On va encore nous traiter de « paranos »… mais les bracelets GSM pour nourissons, les systèmes de flicage d’adolescents, les systèmes « Pay-as-you-drive » (qui seront bientot suivis de « Pay-as-you-live » dans lesquels votre assurance santé augmente ses tarifs en fonction de votre mode de vie « sain » ou non…)…

… et bien nous pensons que tout cela aurait mérité un débat de société et la mise en place de quelques garde-fous avant la dissémination à tout va. Mais c’est parce que nous sommes des paranos technophobes certainement…

et aussi peut-être parce que nous sommes assez vieux pour avoir lu Fourrier et Marx, et savons à quel point la notion « Maitriser son petit monde » et « Contrôler la société » sont deux piliers de l’Odre bourgeois.

Derrière l’argument rassurant de la « sécurité » ne se cache qu’une seule chose : l’interdiction de toute déviance. Les Talibans seront les premiers à se réjouir d’une généralisation du « flic GSM » dans la poche de chaque adolescent…

[Le Figaro – Agnès Leclair 30/09/2008]
Les technologies qui permettent de suivre à la trace adolescents en mal d’indépendance ou malades d’Alzheimer sont en plein essor. Bracelets électroniques pour nouveau-nés, dispositifs GPS pour personnes âgées, téléphones portables «espions» pour collégiens… Après la polémique provoquée par le fichier Edvige, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) rappelle que d’autres moyens de surveillance menacent plus fortement encore le droit à l’intimité. Sans crier gare, ces nouveaux «fils à la patte» s’insinuent dans le quotidien. «Les Français ont peur d’Edvige car c’est un fichier “police” mais ils devraient aussi s’inquiéter de la multiplication des techniques de traçage des personnes développées par des sociétés privées», alerte Alex Türk, président de la Cnil et sénateur du Nord (non inscrit), qui rendra une recommandation sur le sujet début 2009.

L’avènement d’une société «Big Brother» se jouerait donc aujourd’hui. «Avec l’essor du traçage, sans qu’on y prenne garde, nous pourrions nous réveiller dans un monde où l’on ne serait jamais certain de ne pas être suivi en permanence, craint Alex Türk. Pourtant, je ne cherche pas à diaboliser la technologie, ajoute-t-il. Il s’agit de contrôler les usages et non de rejeter en bloc des nouvelles techniques .» Parmi les usages, celui du traçage des personnes dites vulnérables – personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer, âgées dépendantes, jeunes enfants – soulève un véritable débat éthique. Au nom de leur protection, la géolocalisation a effectué une véritable percée dans la sphère intime.

Les avis sont très partagés sur l’utilisation de ces technologies qui permettent d’obtenir des renseignements sur l’emplacement géographique et les déplacements des individus grâce à un émetteur. Il est vrai que le premier usage du bracelet électronique – la surveillance des prisonniers – n’a pas contribué à lui façonner une image positive. Mais malgré les réticences, le système fait des émules. Depuis son lancement en France, au printemps 2007, le bracelet électronique pour nourrisson a ainsi fait son entrée dans une petite dizaine de maternités. «Une centaine d’autres sont en train de réfléchir à sa mise en place et nous en sommes encore au début», avance Laurent Levasseur, directeur de la société Blue Linea, qui commercialise le système. Ce dernier se présente sous la forme d’une attache en plastique souple placée à la cheville des nouveau-nés. Le retrait du bracelet ou la sortie du bébé à l’extérieur d’une zone définie déclenche une alarme dans un poste de contrôle.«Maîtriser son petit monde»

Un moyen de prévention contre les tentatives de rapts crapuleux ou les échanges de bébés. «Des drames qui restent très rares, admet le patron de Blue Linea. Le bracelet sert plutôt à empêcher les enlèvements de bébés dans le cadre de conflits familiaux.» À la maternité de l’Hôpital américain, nichée à Neuilly-sur-Seine, la question du danger ne se pose même pas. «Nous avons installé ce dispositif pour répondre à la très forte demande des futurs parents en matière de sécurité. Les mères disent qu’elles peuvent s’endormir sans crainte car leur bébé est “surveillé”. De plus, la moitié d’entre elles sont étrangères et ont déjà l’habitude de ce système répandu aux États-Unis», explique la responsable de la communication de la structure.

Nouvelle réponse à l’inquiétude familiale, la géolocalisation séduit aussi des parents d’enfants plus âgés, principalement des collégiens de 12 à 16 ans. C’est à eux que s’adresse le service Ootay, clairement présenté comme un moyen de «pister» sa couvée. Proposé par la société Ilico, il permet de localiser les possesseurs de téléphones mobiles via les relais GSM. Mineurs ou non, ces derniers doivent cependant donner leur accord préalable avant d’être «repérés». Depuis Internet, les parents peuvent visualiser la position du téléphone «espionné» sur une carte géographique, à la rue près. Au risque de passer pour une incorrigible anxieuse, une maman abonnée évoque une «grosse inquiétude» et le besoin de suivre sa fille à la trace.

Pour l’instant réservé aux abonnés d’Orange, Ootay aurait attiré 5 000 clients. Un chiffre que le directeur d’Ilico espère voir exploser avec la généralisation des téléphones de dernière génération dotés de GPS. «Ces systèmes permettent de conserver des liens forts au sein de la cellule familiale dans un monde de plus en plus nomade. Il y a une volonté de maîtriser son petit monde et de le rendre le plus sécuritaire possible», analyse le sociologue Gérard Mermet. Quitte à frôler la paranoïa. Ainsi Aurélie, une abonnée âgée de 19 ans, avoue-t-elle librement son envie de surveiller son amoureux : «Comme il sort beaucoup, cela me rassure. Il a accepté le principe en sachant que cela me permettait d’avoir plus confiance en lui.» Dans d’autres pays, le phénomène se développe plus rapidement. En Suède, le service Sniff, sur téléphone mobile, qui permet de localiser ses amis, compterait par exemple plus de 80 000 adhérents.

Pour Yann Padova, secrétaire général de la Cnil, «la géolocalisation généralisée constituerait une infraction à la liberté d’aller et venir librement et anonymement». D’autres utilisateurs évoquent au contraire la liberté qu’offre ce système. Ainsi, dans l’établissement pour personnes âgées de Port-Louis, en Bretagne, le bracelet de géolocalisation par GPS a été rebaptisé «ange gardien». «Il nous permet de laisser aller et venir certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer plutôt que de les empêcher de sortir. Auparavant, nous passions parfois des heures à chercher ceux qui s’étaient égarés, au risque de leur vie. Maintenant, nous les récupérons en un quart d’heure car nous pouvons visualiser à tout moment sur écran l’endroit où ils se trouvent», plaide le directeur, Jean-Paul Fouchard.

Actuellement, trois personnes âgées désorientées de Port-Louis portent le bracelet Columba commercialisé par Orange. «Nous ne le posons pas systématiquement. Il ne faut pas que le porteur soit trop lourdement atteint et il doit donner son accord», souligne Jean-Paul Fouchard. Conscient de l’intérêt du système, Alex Türk prévient néanmoins : «Là encore, il existe un danger. L’appareil ne doit pas se substituer à l’humain. Pour les nouveau-nés comme pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, rien ne remplace le contact avec une sage-femme ou une aide-soignante.» Fermé à clé toute la journée, le bracelet ne peut être enlevé que la nuit par un membre du personnel.

«C’est une illustration du grand débat de ces prochaines années : jusqu’où faut-il aller pour garantir sa sécurité ?», prédit Gérard Mermet. Aujourd’hui, Orange ne compte que quelque 300 bracelets Columba pour personnes dépendantes en activité. Si le marché semble alléchant, il n’a pas encore décollé. Plusieurs start-up, qui se sont lancées sur le créneau, ont fermé leurs portes. Les opérateurs de téléphonie, relais naturel des technologies de géolocalisation, se positionnent néanmoins en attendant leur heure. D’autres acteurs, comme le groupe de téléphonie suédois Doro, qui propose un téléphone mobile simplifié avec géolocalisation et assistance médicale, se lancent donc dans la partie.

Une multitude de services

Car en prenant uniquement en compte le besoin d’équipement des patients atteints par la maladie d’Alzheimer, le marché du traçage des personnes fragilisées pourrait représenter 120 millions d’euros par an. Un chiffre fondé sur une projection simple : 200 000 familles de personnes atteintes par la maladie et sujettes à des fugues pourraient être intéressées par un système de géolocalisation pour un coût mensuel d’environ 50 euros. Sachant que la géolocalisation peut également être mise au service de traumatisés crâniens, d’autistes ou de victimes d’accident vasculaire cérébral, ce chiffre pourrait encore être multiplié par cinq.

Sans compter qu’à l’heure où les opérateurs doivent se distinguer par la multitude des services proposés, la géolocalisation devient un argument de vente. Les utilisations peuvent être multiples : retrouver son téléphone en cas de perte, obtenir la liste des restaurants les plus proches de son point de chute… Sans même parler de la géolocalisation des salariés. Un usage dont la montée en puissance provoque également l’inquiétude de la Cnil.

Dans ce marché aux contours de plus en plus flous, les assurances ne sont pas en reste. Depuis cet été, la Maaf propose un contrat Pay as You Drive aux automobilistes. La société récupère certaines données de conduite grâce à un boîtier inséré dans le véhicule et fonctionnant par localisation GPS. Il adapte ensuite les primes d’assurance. Plus le conducteur prend de risques, plus sa prime sera élevée. Le dossier, après avoir essuyé un premier refus, a été validé par la Cnil. Des pratiques qui s’éloignent pour le moins de l’assistance aux personnes vulnérables et semblent promises à un avenir radieux. . 

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/09/30/01016-20080930ARTFIG00084-la-geolocalisation-ce-nouveau-fil-a-la-patte-qui-rassure-.php