En 1976, en Italie, à l’Academie de Police de Rome, deux sociologues – par ailleurs membres de la loge P2 – avaient décortique la « méthode pour fabriquer un groupe politique violent » dans le cadre de la « stratégie de la tension » entretenue par les « Stay-Behind » de l’OTAN.
Prenez des jeunes idéalistes et cultivés, capables de réflexion synthétique qui les amène à des conclusions, harcelez-les pour les pousser à la rupture, infiltrez-les pour pouvoir les manipuler, puis faites leur subir une répression violente afin de les déstabiliser et les radicaliser… et les confirmer dans leur vision dissidente. Il ne reste plus ensuite qu’à canaliser leur colère et la paranoia née de la répression qu’ils ont subie vers une ou deux actions violentes spectaculaires afin de frapper les esprits du public.
Cela peut servir par la même occasion à se débarasser d’un opposant politique (comme Aldo Moro ou Jürgen Ponto) ou bien solder une dette vis-à-vis d’un Etat tiers (comme Georges Besse ou le Général Audran).
Vous avez ensuite un épouvantail de choix qui pourra servir ultérieurement à maintenir les citoyens dans le giron protecteur de l’Etat Défenseur de l’Ordre et de la Propriété, museler une presse trop indépendante, faire taire des géneurs politiques…
…. sans parler du fait qu’un tel épouvantail vous donne tous les moyens nécessaires pour justifier votre présence au coeur de l’Etat afin de traquer le dissident.
Les auteurs de la conférence soulignaient que « la création d’un tel groupe n’est pas compliquée, c’est très bon marché au vu des bénéfices sécuritaires qu’on peut en tirer »…
C’est à croire que, chez Alliot-Marie, on a retrouvé le polycopié de cette conférence…
[Le Monde – Isabelle Mandraud et Caroline Monnot – 20/11/2008]
Quand Mathieu B., 27 ans, se souvient de son arrestation, il a cette image, à la fois drôle et amère, d’hommes encagoulés de la police antiterroriste cherchant « des explosifs dans les pots de confiture de (sa) mère ». Etudiant il y a encore peu en mastère de sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il fait partie des neuf jeunes arrêtés le 11 novembre et mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Cinq d’entre eux – « le noyau dur », pour le parquet – doivent, en plus, répondre du chef d’accusation de « dégradations en réunion sur des lignes ferroviaires dans une perspective d’action terroriste », les fameux sabotages de caténaires de la SNCF.
Ce n’est pas le cas de Mathieu. Il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, comme trois autres, après quatre jours de garde à vue. Des heures et des heures d’interrogatoire dont il retient ceci : « On est ton pote. On va te foutre en taule. On est d’accord avec toi. Tu as de la merde dans le cerveau parce que tu as lu des livres. On va aller te chercher un sandwich. Tu reverras jamais ton fils. » Lorsque nous l’avons contacté, il a demandé un peu de temps pour réfléchir parce que « ce type d’expérience est assez difficile à relater ».
Comme lui, la plupart des neuf interpellés sont des étudiants brillants ultradiplômés.
Tous fichés pour leur appartenance, selon les mots de la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, à « l’ultragauche, mouvance anarcho-autonome ». Julien Coupat – présenté par la police comme le chef de file et dont le nom a été mis en avant -, 34 ans, a fait une grande école de commerce, l’Essec, puis un DEA, avant d’enchaîner un début de doctorat à l’EHESS en histoire et civilisation. Au dire de son père, il envisageait de se lancer bientôt dans des études de médecine. Son amie, Yldune L., 25 ans, fille d’universitaire, a eu la mention très bien à son master d’archéologie. Benjamin R., 30 ans, a fait Sciences Po Rennes et a passé un an à l’université d’Edimbourg en sociologie du développement et responsabilité environnementale. A Rouen, Les plus jeunes, Elsa H., 23 ans, et Bertrand D., 22 ans, sont respectivement en première année de master d’anglais et en licence de sociologie. Trois se distinguent : Gabrielle H., 29 ans, inscrite depuis septembre dans une école d’infirmières, Manon G., 25 ans, musicienne, premier prix de clarinette dans son conservatoire, et Aria T., 26 ans, qui a longtemps joué le rôle d’une ado un peu rebelle dans une sitcom populaire en Suisse, Les Pique-Meurons.
Aucun n’est en rupture familiale. Les parents, dirigeant de laboratoire pharmaceutique, médecin, ingénieur, universitaire, prof ou de la classe moyenne, continuaient à les voir régulièrement. Yldune, l’étudiante en archéologie, incarcérée depuis sa mise en examen le 15 novembre, habitait encore chez son père et sa mère. Pas de rupture donc. Mais tous avaient décidé de vivre selon des canons différents de ceux de leur milieu, à l’écart de la société marchande.
Un jour de 2003, en quête d’une ferme « pas trop chère », Julien Coupat débarque dans le bureau de Jean Plazanet, alors maire communiste de Tarnac, un village de 335 habitants sur le plateau de Millevaches, en Corrèze. L’affaire est vite conclue : une bâtisse, des dépendances, 40 hectares. Le Goutailloux. « Ensuite, j’ai vu arriver un groupe de jeunes, très sympas, serviables », raconte avec enthousiasme Jean Plazanet.
Ils reprennent l’épicerie du hameau. La gérance est confiée à Benjamin R., qui a l’expérience de l’animation d’un lieu de vie alternatif pour avoir fait fonctionner un squat – l’Ekluserie – à Rennes. C’est le plus écolo de la bande. Entre 16 et 19 ans, il a travaillé bénévolement dans des associations de protection du gibier d’eau, des rapaces et des loutres. Il a brièvement présidé la fédération des Jeunes Verts européens.
A Tarnac, le groupe élève des moutons, des poules, des canards, ravitaille les personnes âgées alentour. « Je ne crois pas me tromper en disant que l’un des buts était de se donner les moyens matériels et affectifs de fuir la frénésie métropolitaine pour élaborer des formes de partage », dit Mathieu B.
Ils fuient le travail salarié, rejettent le système capitaliste et l’hyperconsommation. Sans concessions, ils bannissent les téléphones portables. Par refus de la sujétion, plaident-ils. Par souci de clandestinité, pense la police. Leur radicalité est dans leurs écrits, leurs lectures, leurs comportements, estiment amis et réseaux. Elle s’est traduite en actes, soupçonnent les enquêteurs qui les surveillaient depuis le printemps et affirment avoir vu deux d’entre eux à proximité d’une des caténaires endommagées la nuit du 8 novembre. Des « projets d’attentats consommés », a estimé le procureur de Paris, Jean-Claude Marin.
« Je suis un communiste, du temps de la Commune de Paris », a dit un jour Julien Coupat à son père. Les neuf se réservent de longues heures pour la lecture et l’écriture. Mais bougent aussi beaucoup. Certains font des milliers de kilomètres pour visiter des squats politiques, participer à des contre-rassemblements à l’occasion de G8 ou de sommets européens. Le 3 novembre, plusieurs se sont retrouvés à Vichy lors de la réunion des ministres de l’intégration des Vingt-Sept. Autant de manifestations qui se sont soldées par des heurts avec la police.
Julien Coupat ne réside pas à demeure à Tarnac, où est née la petite fille qu’il a eue avec Gabrielle H., il y a trois ans. A Paris, il fréquente les milieux intellectuels. Il a tissé des vrais liens avec le philosophe italien Giorgio Agamben, rencontré lors d’un séminaire. Ils jouent de temps à autre au football, le philosophe l’a aidé au moment du lancement de la revue Tiqqun en lui trouvant un imprimeur en Italie. Julien Coupat était membre du comité de rédaction de cette publication éphémère influencée par le situationnisme.
« Il est de la mouvance postsituationniste avec le langage qui va avec, c’est un très bon connaisseur de Guy Debord », souligne Luc Boltanski, directeur d’études à l’EHESS. « C’était un étudiant brillant, quelqu’un d’extrêmement gentil », poursuit le sociologue qui l’a distingué nommément dans la préface de son livre Le Nouvel Esprit du capitalisme (avec Eve Chiapello, Gallimard 1999). « Le genre de type qui en sait plus que ses profs, assure Eric Hazan, son ami depuis six ans. Pour lui, les modes d’action et les mots du passé sont à laisser tomber. Ce n’est pas un philosophe spéculatif. »
Cet éditeur parisien a publié L’insurrection qui vient (éd. La Fabrique, 2007), un ouvrage signé « Comité invisible », qui excite la curiosité policière depuis plusieurs mois. Le style relève de la littérature « situ » fascinée par l’émeute. Il y est évoqué le sabotage des voies de TGV pour bloquer la machine économique et créer un état de chaos « régénérateur ». Julien Coupat est désigné comme l’auteur principal du livre. Le parquet de Paris lui attribue le rôle de penseur et de dirigeant d’un groupe terroriste. A ce titre, il encourt vingt ans de prison.
« Julien m’a dit : « Moi je veux vivre dans la frugalité », confie son père, un ancien médecin qui a cofondé un laboratoire pharmaceutique, aujourd’hui à la retraite. Il aurait pu devenir directeur financier de Barclay’s. » Mais ce fils unique qui vit avec 1 000 euros par mois a tourné le dos à l’univers très cossu où il a grandi, dans les Hauts-de-Seine. « Quelque part, cela a dû être un formidable accélérateur de sa réflexion », réfléchit le père à haute voix, au milieu des riches demeures nichées dans une sorte d’enclave boisée. M. Coupat, qui a découvert Tarnac il y a un an, a acheté la maison jouxtant l’épicerie. Il a également acquis pour son fils, dans le 20e arrondissement de Paris, un ancien atelier d’artisan de 50 m2 qui devait héberger un futur projet de journal militant. Indûment présenté dans la presse comme un loft luxueux, il servait pour l’heure de refuge à Julien et Yldune.
Effondrés, choqués par l’étiquette « terroristes », les parents tentent de faire face, tétanisés à l’idée de « trahir » leurs enfants par une phrase maladroite, un mot de trop. En une semaine, ils ont dû tout apprendre : les avocats, les couloirs du palais, la pression des médias. La mère de Gabrielle H. a passé 72 heures en garde à vue. Celle d’Yldune revit en permanence la scène de sa fille tirée du lit, menottée, et tremblant si fort que les policiers ont appelé SOS-Médecins. A l’association d’archéologie dont elle est membre depuis huit ans, on s’offusque que des « pinces de forge », saisies lors des perquisitions, puissent être retenues comme des pièces à charge pour le sabotage des voies ferroviaires. « C’est une spécialiste du néolithique et du coulage du bronze, on l’a vue des dizaines de fois manier ces pinces pour ses recherches ! », s’insurge un ami.
« J’ai lu tous les textes de Julien, je n’y ai jamais trouvé le moindre appel à homicide ou violence contre un individu, je suis révolté par tout ça », proteste le journaliste et chercheur Olivier Pascault, ancien condisciple de l’EHESS. Pour Giorgio Agamben, « on ne va pas les traiter comme les Brigades rouges, ça n’a rien à voir ! On cherche le terrorisme et on finit par le construire, tout ça pour répandre la peur chez les jeunes gens ». Les avocats Irène Terrel, Steeve Montagne, Cédric Alepée, Dominique Vallès, dénoncent une incrimination terroriste « démesurée », la « faiblesse » des dossiers et rappellent l’absence de casier judiciaire de leurs jeunes clients.
A l’intérieur de l’atelier du 20e arrondissement, tout est figé, humide, en désordre. Sur la porte en contreplaqué, d’une écriture un peu enfantine, est inscrit : « Ceci est ma maison, éphémère comme les précédentes. Les objets sont à la place que je leur ai désigné. Demain je déménagerai et ils me suivront. D’eux ou de moi qui est le plus exilé ? » Un peu plus loin : « Je suis comme un soldat qui ne porte pas d’uniforme, qui a choisi de ne pas combattre mais qui se bat toute la nuit pour d’autres causes. »
25 novembre 2008 at 6:54
Quelqu’un peut me donner plus de référence sur le travail des 2 sociologues ?
25 novembre 2008 at 7:28
Je cite de mémoire, mais cette conférence/rapport est mentionnée dans plusieurs ouvrages sur GLADIO et les Stay-Behind, notamment en rapport avec l’assassinat d’Aldo Moro et l’attentat meurtrier de la Gare de Bologne, point d’orgue de la stratégie de destabilisation orchestrée par la P2 de Licio Gelli.
Tous les chefs des services secrets italiens ont été membres de la P2, comme l’a montré l’enquête et les papiers retrouvés chez Gelli… mais aussi des « honorati » comme Silvio Berlusconi et autres…
Gelli (et ses mentors néo-cons à Washington et à l’OTAN) ne supportaient pas l’ascension politique du parti communiste italien entre 1970-1980, craignant que ce pays (qui est un pilier de l’OTAN en Mediterrannée) tombe dans le camp « non-aligné » voire « pro-soviétique ».
Ils ont donc mis en place – avec l’aide de la CIA et des réseaux Stay-Behind – toute une stratégie de destabilisation et d’élimination des cadres politiques susceptibles d’aider le Parti Communiste à venir aux affaires. Le but était de créer la peur afin de faire venir un gouvernement de droite dure au pouvoir et faire accepter aux italiens une vague de répression politique violente contre la gauche, ainsi qu’une répression des libertés individuelles, notamment dans les universités, bastions de la contestation.
Le projet de Cossiga était de frapper fort, tuer les leaders étudiants et gauchistes ou bien les enfermer dans des camps – son modèle était l’Argentine de Viola, le dictateur sanglant qui avait pris le pouvoir en 1975 et massacré 8 000 militants de gauche.
Aldo Moro a été enlevé le jour même où il s’appretait à annoncer une alliance entre la DC et le PCI/PSI. Les USA étaient fou furieux et Henri Kissinger avait menacé Moro : « Si tu fais cela, tu le paieras de ta vie ».
Ce projet était connu et surveillé depuis trois semaines par le SISMI, qui avait infiltré les « Brigades Rouges » de longue date.
Sur ordre direct du Ministre de l’Intérieur, Francisco Cossiga, les services secrets ont non seulement rien fait pour empécher l’enlèvement puis l’assasinat, mais ils ont même aidé les terroristes dans leur projet – comme l’a avoué Steve Pieczenik, l’envoyé spécial de Jimmy Carter auprès de Cossiga, lors de la crise – dans un livre intitulé « We Killed Moro ».
25 novembre 2008 at 12:24
Une sorte de pétition, initiée par Eric Hazan , circule ; la voici :
Une opération récente, largement médiatisée, a permis d’arrêter et d’inculper neuf personnes, en mettant en œuvre la législation antiterroriste. Cette opération a déjà changé de nature : une fois établie l’inconsistance de l’accusation de sabotage des caténaires, l’affaire a pris un tour clairement politique. Pour le procureur de la République, « le but de leur entreprise est bien d’atteindre les institutions de l’État, et de parvenir par la violence – je dis bien par la violence et non pas par la contestation qui est permise – à troubler l’ordre politique, économique et social ».
La cible de cette opération est bien plus large que le groupe des personnes inculpées, contre lesquelles il n’existe aucune preuve matérielle, ni même rien de précis qui puisse leur être reproché. L’inculpation pour « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste » est plus que vague : qu’est-ce au juste qu’une association, et comment faut-il entendre ce « en vue de » sinon comme une criminalisation de l’intention ? Quant au qualificatif de terroriste, la définition en vigueur est si large qu’il peut s’appliquer à pratiquement n’importe quoi – et que posséder tel ou tel texte, aller à telle ou telle manifestation suffit à tomber sous le coup de cette législation d’exception.
Les personnes inculpées n’ont pas été choisies au hasard, mais parce qu’elles mènent une existence politique. Ils et elles ont participé à des manifestations – dernièrement, celle de Vichy, où s’est tenu le peu honorable sommet européen sur l’immigration. Ils réfléchissent, ils lisent des livres, ils vivent ensemble dans un village lointain. On a parlé de clandestinité : ils ont ouvert une épicerie, tout le monde les connaît dans la région, où un comité de soutien s’est organisé dès leur arrestation. Ce qu’ils cherchaient, ce n’est ni l’anonymat, ni le refuge, mais bien le contraire : une autre relation que celle, anonyme, de la métropole. Finalement, l’absence de preuve elle-même devient une preuve : le refus des inculpés de ses dénoncer les uns les autres durant la garde à vue est présenté comme un nouvel indice de leur fond terroriste.
En réalité, pour nous tous cette affaire est un test. Jusqu’à quel point allons-nous accepter que l’antiterrorisme permette n’importe quand d’inculper n’importe qui ? Où se situe la limite de la liberté d’expression ? Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont elles compatibles à long terme avec la démocratie ? Sommes-nous prêts à voir la police et la justice négocier le virage vers un ordre nouveau ? La réponse à ces questions, c’est à nous de la donner, et d’abord en demandant l’arrêt des poursuites et la libération immédiate de celles et ceux qui ont été inculpés pour l’exemple.
Pour participer à cette pétition écrire à lafabrique@lafabrique.fr en donnant son nom et sa profession (ou absence de profession)…
25 novembre 2008 at 12:26
Et puis aussi cette letre des parents des 9 de Tarnac à faire connaître :
Dimanche, 23 Novembre 2008
Lorsque la cacophonie s’accorde pour traîner dans la boue une poignée de jeunes emmurés, il est très difficile de trouver le ton juste qui fasse cesser le vacarme; laisser place à plus de vérité.
Certains médias se sont empressés d’accréditer la thèse affirmée par la ministre de l’intérieur dans sa conférence de presse, alors que les perquisitions étaient en cours : Les personnes arrêtées étaient d’emblée condamnées.
Personne n’aura pu rater l’épisode de « police-réalité » que nous avons tous subi la semaine passée. L’angoisse, la peur, les pleurs nous ont submergé et continuent à le faire. Mais ce qui nous a le plus blessés, le plus anéanti, ce sont les marées de mensonges déversées. Aujourd’hui ce sont nos enfants, demain ce pourrait être les vôtres.
Abasourdis, nous le sommes encore, paralysés nous ne le sommes plus. Les quelques évidences qui suivent tentent de rétablir la vérité et de faire taire la vindicte.
Les interpellés ont à l’évidence bénéficié d’un traitement spécial, enfermés pendant 96 heures, cela devait faire d’eux des personnes hors normes. La police les suspecte d’être trop organisés, de vouloir localement subvenir à leurs besoins élémentaires, d’avoir dans un village repris une épicerie qui fermait, d’avoir cultivé des terres abandonnées, d’avoir organisé le ravitaillement en nourriture des personnes agées des alentours.
Nos enfants ont été qualifiés de radicaux. Radical, dans le dictionnaire, signifie prendre le problème à la racine. A Tarnac, ils plantaient des carottes sans chef ni leader. Ils pensent que la vie, l’intelligence et les
décisions sont plus joyeuses lorsqu’elles sont collectives.
Nous sommes bien obligés de dire à Michelle Alliot Marie que si la simple lecture du livre « L’insurrection qui vient » du Comité Invisible fait d’une personne un terroriste, à force d’en parler elle risque de bientôt avoir à en dénombrer des milliers sur son territoire. Ce livre, pour qui prend le temps de le lire, n’est pas un « bréviaire terroriste », mais un essai politique qui tente d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Aujourd’hui, des financiers responsables de la plus grosse crise économique mondiale de ces 80 dernières années gardent leur liberté de mouvement, ne manquant pas de plonger dans la misère des millions de personnes, alors que nos enfants, eux, uniquement soupçonnés d’avoir débranchés quelques trains, sont enfermés et encourent jusqu’ à 20 ans de prison.
L’opération policière la plus impressionante n’aura pas été de braquer cagoulé un nourrisson de neuf mois en plein sommeil mais plutôt de parvenir à faire croire que la volonté de changer un monde si parfait ne pouvait émaner que de la tête de détraqués mentaux, assassins en puissance. Lorsque les portes claquent, nous avons peur que ce soient les cagoules qui surgissent. Lorsque les portent s’ouvrent, nous rêvons de voir nos enfants revenir.
Que devient la présomption d’innocence ?
Nous demandons qu’ils soient libérés durant le temps de l’enquête et que soient evidemment abandonnée toute qualification de terrorisme.
PS: Nous tenons à saluer et à remercier les habitants de Tarnac qui préfèrent croire ce qu’ils vivent que ce qu’ils voient à la télé.