[Grégoire Seither – IES News Service]
La dernière édition de Newsweek annonce triomphalement un « recul de la violence en Irak » et toute la presse étatsunienne se précipite sur l’information en trompetant que « l’escalade militaire (the surge) donne enfin des résultats » … mais sans jamais donner le moindre chiffre. Ca ne tient pas la route… comment une escalade militaire peut-elle avoir pour résultat un recul de la violence ?

Jetons un coup d’oeil aux chiffres publiés par le Pentagone et compilés par le site iCasualties.org (que je remercie chaleureusement pour l’excellent travail qu’ils font et le service qu’ils rendent aux allergiques des chiffres comme moi)

 

Morts au combat (par region)

Le graphique est clair – et contredit totalement le triomphalisme de la presse. A Bagdad la violence atteint des sommets tandis qu’elle tombe quasiment à zéro dans la région de Al Anbar (pourtant un haut-lieu de le résistance sunnite) et dans le Sud du pays.

C’est bizarre, pourquoi la violence a t’elle décru dans ces deux régions ?

La réponse est dans le journal The Times du 8 octobre 2007 :

Les Etats-Unis ont ils évacués le Sud de l’Irak ?

Les officiers et experts du renseignement militaire U.S. sont persuadés que les villes du Sud de l’Irak, comme Kerbala et Najaf sont désormais virtuellement aux mains des milices chi’ites et servent de base arrière à la résistance formée et financée par l’Iran. Il semblerait même que les Gardiens de la Révolution, un corps d’élite de l’armée iranienne entretienne des camps d’entraînement dans la région. Mais il est difficile pour les Etats-unis d’obtenir des renseignements fiables sur ce qui se passe dans la région. Et ce pour une raison très simple : les troupes US n’y mettent plus les pieds.

(…) Le Premier Ministre britannique Gordon Brown a annoncé cette semaine que les troupes britanniques stationnées autour la ville de Bassorah seront progressivement retirées, passant de 5 000 soldats à moins de 2 500, pour l’essentiel des techniciens chargés de faire fonctionner les installations logistiques. Mais le Pentagone a été beaucoup plus discret sur l’ampleur du retrait des troupes US dans les provinces du Sud de l’Irak. Sans faire de bruit, l’armée américaine a évacué d’immenses parties du territoire irakien, les laissant sans contrôle.

Le troupes britanniques sont concentrées sur la base aérienne de Bassorah et n’en sortent presque plus. Leur nombre est passé de 40 000 au début de la guerre à moins de deux bataillons, soit environ 4 000 personnes. L’armée US a évacué ses troupes de la province d’Al Anbar pour les ramener vers Bagdad – ce qui explique pourquoi les troupes d’élite demandent à être redéployées en Afghanistan.

Les officiers commandants de l’US Marine Corps ont déclaré dans leurs rapports de situation que la fin de la mission des Marines dans la province d’Anbar rend le corps disponible — et même très impatient– pour un redéploiement vers l’Afghanistan, où les combats se sont intensifiés…

L’information comme quoi la violence recule en Irak est donc bidon. Elle ne recule pas, elle change simplement de zone. Le chiffre général des attaques publié par le Pentagone est en baisse, parce qu’il n’y a plus d’attaques contre les troupes US dans la province d’Anbar, ni à Bassorah, Najaf, Kerbala, Wasit, Dhiqar, etc, puisqu’il n’y a plus de soldats US là bas. A Bagdad, où est regroupé le gros des troupes US, la violence redouble d’intensité.

Par contre – mais la presse et le Pentagone se gardent bien de nous le dire – l’analyse des chiffres montre une chose très claire : partout où les troupes US se retirent la violence baisse, partout où les troupes US se cramponnent, la violence augmente. Regardez le graphique comparatif des morts au combat :

Morts au combat (comparatif)

Les chiffres montrent que la violence s’intensifie à Bagdad, lieu de la plus forte présence de troupes US. Mais surtout, ces chiffres montrent que l’Irak ne sombre pas dans la guerre civile quand les troupes US se retirent. Ils montrent aussi que le départ des troupes US ne signifie pas une prise de contrôle par Al Qaïda en Irak. Bien au contraire, dans la provice d’Al Anbar, les troupes de la résistance locale ont vite fait d’éliminer les quelques unités d’Al Qaïda en Irak qui s’y étaient regroupées. Les Irakiens sont avant tout nationalistes, ils n’ont que faire des combattants étrangers une fois que les troupes US ont débarassé le plancher.

Les experts du Pentagone eux-mêmes indiquent que, dans la région de Bassorah et de Anbar, le départ des troupes US a vu une très nette diminution des violences inter-tribales et luttes fratricides. Alors la prochaine fois qu’un journaliste vous dit que « si nous partons, ce sera la guerre civile », dites-lui de regarder les chiffres.

http://icasualties.org/oif/Province.aspx