Vu la mainmise de la politique marocaine sur la politique française, il n’est pas étonnant que le Royaume bénéficie d’un traitement de faveur dans les médias.

Mais on aurait pu s’attendre à un peu de déontologie de la part d’Isabelle Mandraud et au minimum respecter la règle qui veut qu’on ne présente pas que la vision d’une seule des parties… à El Aaiùn la politique de « comm » de la police marocaine a porté ses fruits. On aime bien les journalistes français au Maroc, leurs reportages sont « équilibrés » et leur langue sent bon la merde des puissants…

Isabelle Mandraud, journaliste « embedded » dans la propagande marocaine… on ne vous dit pas bravo !

Commentaires de Claude MANGIN à propos du reportage du journal « Le Monde » du samedi 13 novembre 2010 intitulé « Jour de guerre au Sahara » par Isabelle Mandraud, reporter au journal » Le Monde ».

[Claude Mangin – Comité de Soutien – 13/11/10 ]

Isabelle Mandraud est la première journaliste étrangère à avoir pu visiter le camp de Gdaym Izik après son démantèlement le 8/11/10. En ce qui concerne la description de la situation et son commentaire, Isabelle Mandraud aurait pu se contenter de téléphoner aux officiels marocains dont elle relaie ainsi les théories coloniales classiques qui prennent plus de place dans son article que les propos des victimes de la répression.

Ainsi, démarrer l’article affirmant  » la fin du conflit armé avec l’Algérie en 1991″ ! Pourquoi ne pas écrire « le cessez-le-feu signé entre le Polisario et le Maroc contre la promesse d’organiser un référendum d’autodétermination ».

C’est vrai que le camp était « plein de repris de justice », je dirais même plus, des « délinquants », tels que Naama Asfari et tous les anciens prisonniers politiques et anciens disparus qui totalisent à eux tous plusieurs centaines d’années de prison.

« Le nombre de bouteilles de gaz m’a étonné « , dit le porte parole de la MINURSO. À croire que les occupants auraient eux-mêmes brûlé leurs tentes ou qu’ils préparaient des attentats. 20 000 sahraouis pendant près d’un mois au désert ont dû effectivement utiliser beaucoup de bonbonnes de gaz pour manger et faire du thé.

Elle a vu 3 blessés dans un appartement ! Les sahraouis ne lui ont-ils pas parlé des civils marocains missionnés par la police pour arrêter les « indépendantistes  » sahraouis et saccager leurs maisons ni des centaines de personnes enlevées de chez elles.

Isabelle Mandraud a dû rencontrer bien des difficultés pour faire son travail, pas facile d’être journaliste de guerre dans un « pays ami » de surcroît. Le fait d’aller sur place n’est pas une garantie de dire les choses objectives, mais n’y-a-t-il vraiment pas d’autres moyens que de renvoyer dos à dos agresseur et victime. À leur décharge, certains journalistes ont avoué avoir été pris de court, qu’ils n’avaient pas pris la mesure de ce qui se préparait malgré toute nos alertes, la diffusion de vidéos et de témoignages, de ce qui se passait dans le camp assiégé et bouclé par l’armée et qui pouvaient faire augurer le pire. Ils connaissent mal ce sujet qui est très peu traité en France sous prétexte qu’il n’y a pas d’actualité.

Il est vrai qu’il y a pire en la matière : la visite guidée des 7 sénateurs français du groupe « France-Maroc  » en visite au Sahara occidental début octobre 2010, consciemment instrumentalisés comme on l’a compris quand ils nous ont auditionnées à leur retour (R. Villemont, M. Decaster et moi).

L’esprit néocolonial est décidément bien ancré dans les consciences. Ce sont aux colonisés de se justifier d’exister… mais on ne leur donne surtout pas la parole sauf pour diaboliser le Front Polisario qui lui « proclame  » tandis qu’il est dit en début d’article « selon les sources marocaines ». La phraséologie de cet article est terrible. Quel mépris pour les victimes sans défense d’une lutte qu’elles mènent depuis 38 années pour la Liberté.

Quoi qu’il en soit, cela confirme les propos des Espagnols (les journalistes étrangers sont toujours interdits de séjour) disant que les journalistes français seuls ont été autorisés à aller à El Aaiun car leur info à eux est « équilibrée » ! Eh oui ! La bataille de l’info ne fait que commencer, car comme dit Amnesty International à Londres, que j’ai joint hier vendredi 12/11/10, il faudra du temps pour recueillir les infos et les recouper mais ce qu’elle recueille déjà est terrible, elle espère pouvoir envoyer quelqu’un là-bas.

Le correspondant sahraoui de El Aiun de Human Rigths Watch, joint hier soir aussi, dit que le délégué envoyé par le siège était bloqué depuis vendredi matin à Casablanca.

Isabelle Mandraud ne parle pas non plus du député français Jean Paul Lecoq qui, avant elle, a tenté de se rendre sur place le dimanche 7/11/10 et qui a été refoulé depuis Casablanca. On ne peut rentrer que dans les conditions mises par le donneur d’ordre de la répression .

Cela doit être dur pour une journaliste d’être obligée d’accepter une visite guidée aux trois quart . « Le Monde » continuera donc d’être en vente au Maroc, ce journal a besoin de ses ventes pour des raisons économiques, comme me l’avait dit un des prédécesseurs d’Isabelle Mandraud et les lecteurs devront attendre pour avoir des infos « objectives ».

Je ne regrette cependant pas tout le temps que j’ai passé pour l’aider ainsi que tous les journalistes qui m’ont sollicitée pour leur mission. Je suis persuadée que les prochains articles seront plus « équilibrés ». Isabelle Mandraud avait reçu Brahim Sabbar, Secrétaire général de l’ASVDH vendredi 5/11/10 dans son bureau, il lui avait parlé de ce campement, de ses raisons d’être, dont elle ne fait pas mention : le pillage des ressources naturelles dont les Sahraouis ne bénéficient pas. Mais chut ! L’Union Européenne a promis que grâce à l’octroi du statut avancé, le Maroc serait mieux contrôlé dans sa bonne gouvernance et dans son respect des Droits de l’Homme, comme on nous le dit sans rire quand on rencontre les fonctionnaires de la Commission.

Décidément après la page entière en septembre dernier qu’Isabelle Mandraud a consacrée au « Sahraoui du roi », j’attendais autre chose. Nous attendons les articles du Figaro et de la Croix qui devaient aller sur place, eux aussi, ce jeudi 11 novembre.

La lutte continue et elle doit se situer sur le plan politique. Il faut interpeler nos élus, nos gouvernements et les Nations Unies.

Claude Mangin

PS : Le défenseur des droits humains Ennamma ASFARI , co-président du CORELSO -COmité franco-sahraoui pour le REspect des Libertés et des droits humains au Sahara Occidental- fondé à Paris en novembre 2005 après le début de l’intifada pour l’indépendance, a été enlevé inanimé le dimanche 7/11/10 après avoir été tabassé dans la maison où il se cachait. Il avait été arrêté à 20H20 heure locale en prélude au démarrage de toute l’opération. Des témoins nous ont rapporté ce vendredi 12/11/10 à 15H heure locale n qu’il faisait partie d’un groupe de 72 autres prisonniers qui ont été présentés au tribunal de El Aiun, dans la nuit du 11 au 12 novembre, soit 5 jours de disparition ; il pourrait être déféré devant le tribunal militaire de Rabat avec 5 autres Sahraouis, on ne sait pas quand ! Il avait le corps plein de traces de mauvais traitements subis mais il avait bon moral et  « parlait fort » ce qui est bon signe chez lui. Aucun ami n’a encore pu lui parler personnellement.

Lattaque du camp de Gdeyam Izik, le camp « de la dignité et de lindépendance » pour les Sahraouis du territoire occupé par le Maroc, où sétaient rassemblées  quelque 20 000 personnes, le matin 8 novembre :

http://www.youtube.com/watch?v=qv_Rzd53Kgw

Le camp dévasté le 8 au soir :

http://www.youtube.com/watch?v=9qOVRDtYMgc

Les photos de la journée, le campement détruit, le jeune mort, la ville d’El Ayoun en insurrection :

http://www.elpais.com/fotogaleria/conflicto/Aaiun/elpgal/20101108elpepuint_1/Zes/2

L’armée coloniale marocaine et les colons marocains dans El Aiun :

http://www.youtube.com/watch?v=gUSRvetRmws

Photos de El Aaiùn:

http://picasaweb.google.com/114162724517415991490/ResistenciaDesdeElAaiun?feat=content_notification#