[Olivier Bonnet – 18/08/2008]
La scène <http://medias.lepost.fr/ill/2008/08/07/h-20-1239340-1218118900.png&gt; , filmée le 7 juillet par un habitant de la localité de Nilin, à l’ouest de Ramallah (Cisjordanie) et diffusée par NouvelObs.com <http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20080807.OBS6461/lofficier_qui_a_donner_lordre_de_tirer_sur_un_palestini.html&gt; , est terrible : on y voit un manifestant palestinien, menotté les mains dans le dos, les yeux bandés et tenu par le bras par un soldat, mis en joue par un garde-frontière qui fait feu à bout portant – sur sa jambe, précise L’Obs, sans qu’il soit possible de le vérifier à la vue des images. Heureusement avec une balle en caoutchouc, mais comment interpréter cet acte ? Il s’agit d’infliger au malheureux, entièrement à la merci des soldats et ne représentant aucune menace, une très violente douleur, de façon entièrement gratuite : de la torture, à proprement parler.

« Notre socialisation exalte ceux qui ont tué et renforce le goût du sang »

Fin juillet, l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme Yesh Din a publié un rapport selon lequel l’armée israélienne n’a donné aucune suite à 94% des plaintes liées à des exactions présumées de militaires à l’encontre de Palestiniens. Sur 1 246 dossiers ouverts entre 2000 et 2007, à peine 76 inculpations. Mais cette fois, difficile d’étouffer l’affaire : la vidéo a été diffusée par les télévisions palestiniennes ! Et l’ONG israélienne B’Tselem, autre association défendant les droits de l’Homme, a porté plainte. Aussi Tsahal a-t-elle annoncé l’ouverture d’une enquête. L’officier qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu à bout portant sur Ashraf Abou Rahma (27 ans), le manifestant désarmé, est le lieutenant-colonel Omri Borberg. C’est lui qui le tient par les bras sur les images. Il ne sera pas le seul inquiété dans l’histoire : le garde-frontière coupable d’avoir pressé la détente – gradé lui aussi, il est sergent – aurait évidemment dû refuser d’obéir à un ordre aussi manifestement illégal.

Arrangement honteux

Quelle sanction Borberg encoure-t-il ? Aux termes d’un accord entre ses avocats et la justice militaire, il ne sera poursuivi que pour « conduite non conforme aux normes de l’armée », doux euphémisme. Selon L’Obs, il n’aura plus le droit d’exercer un commandement.

Mais France 24 <http://www.france24.com/fr/20080807-israel-palestine-tribunal-militaire-inculpation-officier-soldat-palestinien-tir-conduite-inappropriee&amp;navi=MONDE>  n’a pas la même version, qui indique que Borberg été rétrogradé commandant de bataillon, citant une source militaire, ce qui signifie qu’il continuerait bien à commander. En tout état de cause, il ne risque ni la prison, ni même l’inscription au casier judiciaire, et pourra continuer à servir – sévir – au sein de l’armée israélienne. Le communiqué de B’Tselem qualifie l’arrangement accepté par le procureur militaire de « honteux » : « Une armée qui considère qu’un tir à bout portant sur un homme menotté est uniquement non conforme aux normes méprise les principes qu’elle prétend être siens« . »L’ONG exige en outre l’ouverture d’une enquête criminelle contre le colonel responsable de tout le secteur, qu’elle accuse d’avoir couvert l’affaire », précise L’Obs.

Pour se défendre, Borberg se défausse courageusement sur son subordonné qui a ouvert le feu : d’après La Presse.tn <http://www.lapresse.tn/index.php?opt=15&amp;categ=6&amp;news=76727&gt; , édition en ligne du premier quotidien tunisien, il prétend « avoir seulement donné l’ordre au soldat d’agiter son arme pour effrayer le prisonnier ». Mensonge à dormir debout : le Palestinien avait les yeux bandés, d’abord, et ne pouvait donc être effrayé par ce qu’il ne voyait pas, et l’on voit ensuite très bien le sergent, loin « d’agiter son arme », prendre tout son temps pour mettre en joue sa victime et presser posément la détente. Illustré par cette énième affaire, l’insupportable comportement de l’armée israélienne est dénoncé par des voix qui viennent même de son sein.

Dans Rompre les Rangs <http://images.chapitre.com/ima2/big1/502/277502.jpg>  de Ronit Chacham (Fayard, 2003) témoignent ainsi par exemple plusieurs officiers faisant partie des objecteurs de conscience connus sous le nom de refuznicks. « Je refuse d’être un terroriste au nom de ma tribu », s’indigne le sergent Assaf Oron. « L’armée influence les croyances et les processus mentaux du soldat, notre socialisation exalte ceux qui ont tué et renforce le goût du sang », dénonce le commandant Rami Kaplan. Quant au sergent Leibowitz, il proteste que « Les verdicts de la Haute Cour de justice sont les pires. Depuis 35 ans ils légitiment l’assassinat, les détentions, les expulsions… le tout au nom de la sécurité » (citations reprises par le site des anarcho-syndicalistes de laConfédération nationale du travail <http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=770&gt; ).

Peine de mort pour les manifestants
Un mot enfin du contexte de l’affaire Borberg : les manifestants comme Ashraf Abou Rahma protestent contre la construction d’une barrière séparant le village de Nilin de… ses terres ! Parfaite illustration de l’arbitraire des forces d’occupation, qui empoisonnent la vie des habitants palestiniens – quand elles ne les assassinent pas purement et simplement. À la suite de jets de pierre, la tsahal a imposé le couvre-feu à Nilin. Depuis lors, un enfant de 12 ans et un jeune homme de 18 ont été abattus par des tirs de garde-frontières réprimant les manifestations. Autrement dit, l’armée israélienne a appliqué la peine de mort pour des manifestants (peut-être exécutés pour avoir lancé des pierres), dont un gamin de 12 ans !

« Aucun des soldats à l’origine des tirs n’est actuellement sous les verrous », précise laconiquement L’Obs. Ainsi va l’occupation de la Palestine par l’armée « démocratique » israélienne, qui perpétue l’oppression d’un peuple avec la complicité de la communauté internationale – et d’abord des États-Unis -, en violation constante des résolutions de l’ONU. Jusqu’à quand l’État hébreu continuera-t-il de commettre impunément ses crimes ?

http://www.contre-feux.com/billets/officier-tortionnaire-israelien-ni-prison-ni-casier-judiciaire-ni-revocation.php