[Faits et Documents – #304 – 26/10/2010]

Premier maire adjoint de Paris, Anne Hidalgo, épouse Germain, née en Andalousie et naturalisée française, est donnée comme la dauphine de Bertrand Delanoë. Féministe et ambitieuse, celle qui se présente comme une « travailleuse » est une permanente politique depuis plus de dix ans et a occupé précédemment de hautes fonctions essentiellement dues à son engagement au Parti socialiste. Elle vient de publier un essai, Travail au bord de la crise de nerfs.

« Hidalgo, hijo de algo. En français, fils de quelqu’un, de noble descendance chrétienne, sans mélange de sang. » France-Soir (16 octobre 2006).

« Anne Hidalgo […] créature politique imaginée par Delanoë et valorisée par François Hollande. » Le Parisien (11 mai 2004).

Anne Hidalgo est née le 19 juin 1959 à San Fernando (Espagne), près de Cadix. Elle est la fille de deux immigrés espagnols, Antonio Hidalgo, électricien, et de Maria Aleu, couturière. Le couple s’est réinstallé depuis lors outre-Pyrénées.

On lit souvent qu’il s’agit de républicains espagnols réfugiés en France après la guerre civile mais rien n’est plus faux. En réalité, il s’agit du grand-père d’Anne Hidalgo, intendant d’un vaste domaine dans la province de Cadix, qui s’installa avec sa famille, dont le jeune Antonio, en France, dès 1937.

VSD (article non daté, mais figurant sur le site d’Anne Hidalgo. Il s’agit de l’unique article détaillé jamais paru sur sa famille en français) indique donc : « En 1937, pour échapper à la montée des troupes fascistes, le grand-père paternel, républicain, traverse les Pyrénées à dos de mulet avec sa famille. » Étrange républicain venu de l’extrême sud de l’Espagne pour passer en France alors même que toute la partie « Est » de l’Espagne était encore sous contrôle des républicains. On rappellera aussi que la guerre civile a commencé en juillet 1936 et s’est finie en avril 1939. Il s’agit donc peut-être d’un républicain mais certainement pas d’un combattant républicain de premier plan ayant réellement lutté contre l’hydre fasciste. La meilleure preuve est que la famille se réinstalle en Espagne dès la fin de la guerre civile, en 1939, se fixant à Antequerra. VSD indique, sans autre détail ; « Sa femme ne survit pas, tout comme la petite dernière. Il est emprisonné pendant trois ans. Le père d’Anne a dix ans. » En réalité, ce n’est pas faux, si ce n’est que la grand-mère d’Anne meurt durant le voyage de retour et nullement, comme on pourrait le croire, de sévices infligés par les franquistes.

Dans un entretien accordé à El Pais (reproduit dans Courrier international, 19 avril 2001), Anne Hidalgo indique aussi : « Il (son grand-père) a voulu rentrer en Espagne. Il a écrit au maire de son village, le propriétaire de la grande exploitation dont il avait été l’intendant. Le maire lui a promis d’assurer sa sécurité […] Veuf avec quatre enfants, mon grand-père a dû faire face à une double condamnation à mort. Il a été jeté en prison, mais, grâce à la protection promise, la sentence de mort n’a pas été exécutée (NDA : selon certaines sources, il aurait effectué trois ans de prison). Mon père est allé vivre chez sa grand-mère maternelle. »

Autre version, dans Le Nouvel observateur (31 octobre 2002) : « Son grand-père, militant socialiste pendant la guerre civile, qui participa à l’exécution d’un notable franquiste, frôla la mort, connut la prison. » À 17 ans, Antonio Hidalgo s’engage, comme électricien, dans la marine marchande.

VSD, qui fait pleurer Margot, indique : « Pour fuir les privations et les humiliations. “J’ai longtemps été considéré comme un fils de rouge, mais je n’acceptais pas, je me rebellais.” » Sans vouloir faire preuve de mauvais esprit, on doit conclure qu’Antonio Hidalgo refusait donc d’être considéré comme « un fils de rouge ».

Dans les années 1950, il se marie et se fixe à San Fernando, près de Cadix, là où naîtra Anne Hidalgo. Il travaille alors pour les chantiers navals. Son frère s’est installé près de Lyon.

La famille Hidalgo (les parents, Mary, l’aînée, passée par l’École supérieure de commerce de Lyon, qui dirige un magasin de jouets en Californie, et Anne, qui a deux ans) quitte alors l’Espagne pour s’installer dans une cité HLM du 9e arrondissement de Lyon. Ils optent pour la binationalité dans les années 1970.

Une histoire en fait très classique d’immigrés espagnols venus chercher le confort en France, qu’Anne Hidalgo dramatisera dans son livre Une femme dans l’arène (Rocher), n’hésitant pas à citer (France-Soir, 16 octobre 2006) ses parents comme des « républicains convaincus qui ont fui le franquisme pour s’installer à La Duchère, banlieue populaire de Lyon. » Étrange fuite après plus de vingt ans en Espagne. El Pais est certainement plus prêt de la réalité en indiquant que « les problèmes socio-économiques, conséquences du plan de stabilisation de 1959, ont conduit papa Hidalgo à franchir à nouveau la frontière française. »

Anne Hidalgo fera encore une allusion, déjà un peu plus exacte, dans son discours de réception des insignes de Commandeur de l’Ordre d’Isabelle la catholique (reine très chrétienne détestée par la communauté juive, faut-il le dire) : « Je souhaite dédier cette distinction à mes parents […] Ils sont tous deux des enfants de la guerre, nés sans doute à un des plus sombres moments de l’histoire espagnole. Mes grands-parents ont été exilés (sic) puis, après un retour douloureux, mes parents ont émigré et choisi la France pour y élever leurs enfants. »

À Lyon, le père, devenu contremaître chez Electrifil (où il restera 22 ans), milite à Force ouvrière. VSD ajoute qu’il « écume les meetings avec Gérard Collomb, l’actuel maire de Lyon ». C’est possible, mais ce ne peut qu’être tardif, Collomb étant né en 1947 et ayant au moins quinze ans de moins qu’Antonio Hidalgo.

Fille studieuse, Anne Hidalgo passe par l’école Audrey Hepburn, le lycée Jean Perrin de Lyon et la faculté Lyon III. Elle y décroche une maîtrise de sciences sociales du travail puis obtiendra un DEA de droit social et syndical à Nanterre. En 1982, elle réussit le concours d’inspecteur du travail, sera stagiaire dans la Loire, obtient son premier poste (Paris et Val-de-Marne) en 1984 et déménage alors dans le XVe arrondissement de Paris.

C’est dans cet arrondissement qu’elle se mariera avec un militant socialiste très actif, dont elle aura deux enfants. Elle en divorcera par la suite, au cours de son ascension. Responsable CFDT, elle sera promue chargée de mission à la division « synthèse » de la délégation à l’emploi, puis responsable de l’Institut national de l’emploi et de la formation (1991- 1993), à Montrouge, en charge de la formation des inspecteurs du travail.

En décembre 1993, elle devient chef de mission auprès du délégué à la formation professionnelle, en charge de la concertation avec les partenaires sociaux, puis est promue chargée de mission, puis chef de mission (1995) à la délégation à la formation professionnelle du ministère du Travail, en poste au Bureau international du travail, à Genève.

Ici se situe un épisode qu’elle n’aime pas évoquer : elle bifurque brusquement dans le privé, se faisant détacher auprès de la Compagnie générale des eaux, comme chargée de mission auprès du directeur des ressources humaines Olivier Halpern (juillet 1996- août 1997). Elle y aurait notamment signé un accord sur les 35 heures avant même le vote de la loi Aubry.

Au retour de la gauche au pouvoir, elle entre alors comme conseiller technique dans son premier cabinet ministériel, celui de Martine Aubry, ministre du Travail et de la Solidarité (1997-1998), qui avait également longtemps milité à la CFDT, puis officiera, comme directeur adjoint, au cabinet de Nicole Péry, secrétaire d’État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle (1998-2000), et, enfin, comme conseiller technique, au cabinet de Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux (2000-2002). Dans la foulée, en 1999, elle a été propulsée directeur du travail.

Engagée en politique dès le lycée (selon Actualité juive, 6 juin 2002), elle milite d’abord dans des mouvements féministes, un engagement sur lequel elle reste très discrète, ainsi qu’à la Ligue des droits de l’homme à partir de 1987. Elle n’a rejoint le Parti socialiste qu’en 1994.

Son ascension va être météoritique : En 1997, il lui est proposé d’être candidate contre Edouard Balladur dans le XVe arrondissement, mais elle ne se sent pas prête. Elle entre au secrétariat national en 2000, en charge de la formation professionnelle (puis, par la suite, également du droit des femmes) et au bureau national en 2003. Au congrès de Dijon, elle obtient l’important secrétariat national à la culture, ayant chaudement soutenu son protecteur François Hollande.

Mais dès 2002, à Paris, sans jamais avoir été une seule fois candidate, cette proche de François Hollande obtient la tête de liste socialiste dans le XVe arrondissement, étant préférée à Pervenche Bérès (pourtant député européen et bénéficiant de l’appui de Jack Lang).

En mars 2001, elle est battue, au second tour (41,12 %), par la liste UMP Edouard Balladur/René Galy-Dejean, mais obtient, nouvelle surprise (mais parité oblige également même si d’autres étaient beaucoup plus titrées), le poste de premier adjoint de Bertrand Delanoë, curieusement avec des fonctions assez subalternes : le bureau du temps (pour accorder les horaires municipaux à ceux des Parisiens) et l’égalité hommefemme. C’est elle qui assurera l’intérim de maire de Paris lorsque Delanoë sera gravement blessé par un immigré déséquilibré.

En 2002, lors de la campagne présidentielle de Lionel Jospin, elle est porte-parole pour les questions d’éducation. En juin 2002, elle est candidate aux élections législatives dans la 12e circonscription de Paris, étant battue (29,6 %), dès le premier tour, par Edouard Balladur.

En 2004, après un accord avec Les Verts, nouvelle surprise, cette simple élue municipale obtient de conduire la liste de gauche à Paris aux élections régionales, ayant été (une fois de plus) préférée à la première vice-présidente sortante de la région Ile-de-France Marie-Pierre de La Gontrie (déjà tête de liste à Paris en 1998, proche de Dominique Strauss-Kahn et soutenue par Jean-Paul Huchon), à qui la place avait été promise de longue date. Elle obtient 50,5 %. Rebelote en 2010, elle totalise plus de 58 % des voix.

Au conseil régional, elle a présidé, de 2004 à 2010, le Centre régional d’information et de prévention du sida.

En 2007, après avoir envisagé de s’implanter à Toulouse, dans le XIIe et dans le XXe arrondissement de Paris, elle est à nouveau battue (43,26 %) aux élections législatives, cette fois dans la 13e circonscription, par l’UMP Jean- François Lamour.

En 2008, elle est encore battue aux élections municipales, mais totalise quand même 47,35 % des voix. Elle lance alors son propre club, L’Argument public, avec Stéphane Pellet.

Anne Hidalgo dispose en fait de très solides appuis au Parti socialiste. Elle s’est en effet remariée, en juin 2004, sous la houlette de Bertrand Delanoë, avec Jean-Marc Germain qui est aujourd’hui le directeur de cabinet de Martine Aubry.

C’est d’ailleurs, en 1997, comme membres du cabinet de Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, qu’ils se sont connus. Dès 1999, ils vivent ensemble. Martine est le témoin de Jean-Marc et Caroline Heloin, directrice du cabinet du maire du IXe arrondissement Jacques Bravo, le témoin d’Anne. Le couple a eu un enfant (avant mariage).

Jean-Marc GERMAIN : Né en juin 1966, ce polytechnicien (1986), genre « polar », est également titulaire d’un DEA d’analyse et de politique économique (École des hautes études en sciences sociales).

Administrateur de l’INSEE, il a été consultant à la division Personal and Human Ressources de la Banque mondiale à Washington (1991). Ce tropisme pro-atlantiste étonne toujours.

On le retrouve ensuite à la division conjoncture et analyse économique internationale à la direction de la prévision (1992-1993), puis rédacteur en chef de la note de conjoncture internationale à cette même prévision (1993-1994). Rien que du très excitant comme on le voit.

Conseiller technique à l’emploi de Martine Aubry de 1997 à 2000, il sera ensuite directeur adjoint de son cabinet (2000), puis conseiller technique chargé du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle auprès de Lionel Jospin, à Matignon (2001-2002). Il peut donc être justement considéré comme l’un des principaux pères des « 35 heures ». C’est dire son intelligence des rouages de l’économie. Martine Aubry dit d’ailleurs qu’il est « coresponsable des 35 heures ».

Reclassé à la comptabilité publique (toujours de l’excitant), il rebascule en politique, comme directeur général adjoint des services de la communauté urbaine de Lille- Métropole et responsable du développement de cette métropole de 2003 à 2005 (avec Pierre Mauroy). Il devient ensuite directeur général des services de la ville de Lille, puis directeur de cabinet de Martine Aubry, aussi bien à Lille qu’à Paris, rue de Solférino.

Les lundi-jeudivendredi, c’est Lille (payé à 60 % par la communauté urbaine), le mardi-mercredi, c’est Paris (40 % payé par le PS). Pour le week-end, on s’adressera à Anne Hidalgo.

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