[Grégoire Seither – IES News Service – 07/04/2008]

Dans le monde moderne de l’entreprise (et de plus en plus dans les collèges et lycées), l’accent est mis sur le « multitâches ». Cadres, managers, mais aussi adolescents, sont fiers d’être capables de faire plusieurs choses à la fois… travailler tout en répondant à son courrier ou au téléphone, un œil sur la télé et un autre sur l’écran du tchat….

Mais c’est une illusion. Votre cerveau n’est capable de se concentrer que sur une seule activité à la fois et une personne qui « sait travailler en multitâches » est simplement une personne dont le cerveau saute rapidement d’une activité à une autre… et dont les capacités intellectuelles s’amenuisent rapidement.

Il y a 3 000 ans déjà, la sagesse taôiste conseillait à l’étudiant et à l’artisan de focaliser son attention sur une tâche, car « la tortue qui suit sa route, d’étape en étape, vit plus longtemps et va plus loin que le papillon qui batifole de fleur en fleur« .

Cette sagesse ancienne est confirmée par une étude du British Institute of Psychiatry et publiée par la revue du Institute of Electrical and Electronics (IEE Potentials – Avril 2008). L’étude montre qu’une utilisation excessive de gadgets technologiques de communication provoquait une perte de quotient intellectuel (Q.I.) de plus de dix points, soit deux fois plus que chez les personnes ayant consommé du cannabis.

Les développeurs et analystes-programmeurs savent bien, par exemple, que le travail morcelé prend plus de temps et qu’il est plus facile de travailler efficacement quand on est échauffé, en rythme de croisière. Si on doit s’arrêter pour une raison ou un autre, la reprise est longue et laborieuse. « Une tâche qui n’aurait pris qu’une heure à faire en rythme de croisière, va soudain nécessiter plus de trois heures, car c’est le temps qu’il faut à votre cerveau d’aller chercher toutes les informations dormantes dans vos circuits de mémoire à long terme et les réordonner dans les zones de mémoire immédiate » expliquent les auteurs de l’étude du BIP.

Des études menées par IBM et Microsoft montrent que, aux Etats-Unis, un salarié moyen gaspille environ 2,1 heures par jour à cause des distractions causées par le multi-tâches. Quand l’employé ou l’ouvrier est interrompu dans ce qu’il est entrain de faire, il a besoin d’un certain temps pour entreprendre la nouvelle tâche, la terminer et ensuite revenir à ce qu’il était entrain de faire et à reprendre la tâche en cours.

Chez Microsoft, dans le cadre de l’étude, certains ordinateurs ont été dotés de mouchards qui analysaient la manière de travailler des employés. Il s’est avéré que le simple fait de prendre connaissance d’un courrier électronique pouvait prendre jusqu’à un quart d’heure du temps de travail et amener l’employé à être distrait de son travail pendant près d’une heure, afin de se consacrer aux tâches induites par le message reçu.

Comme le dit le Arvind Chopra , responsable du développement chez Microsoft : « l’une des raisons pour lesquelles les ordinateurs travaillent plus vite que les humains est le fait qu’ils ne sont pas obligés de répondre au téléphone ».

La conclusion de l’étude est simple : contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, le multi-tâches nous rend moins efficaces dans notre travail. Tous les gadgets électroniques qui nous entourent nous aident dans notre travail, mais peuvent aussi devenir de formidables sources de temps gaspillé, si nous leur permettons de nous distraire de notre travail.

Pour M. Chopra, la solution est simple : « Ce n’est pas pour rien que les maîtres Zen et les moines du Moyen-Age exigeaient le silence dans les salles d’étude et les salles d’entraînement. Chez nous, pour bien travailler, nous éteignons nos logiciels de messagerie, applications de tchat, lecteurs de flux RSS, Google Desktop, alertes Outlook et toutes les multiples autres sources de distraction. Ensuite nous nous concentrons sur la tâche à réaliser. »

Chez Toyota, les départements d’études ont adopté une mesure encore plus radicale : les téléphones sont interdits et les communications doivent obligatoirement passer par la messagerie interne. Les employés ne consultent leurs messages que lorsqu’ils ont terminé une étape définie. « Les gains de productivité sont énormes, explique Mike Durrell, responsable de la logistique, nous avons réduit nos postes de retards de moitié en seulement six mois. »