Avraham Burg



Critiquer un livre de manière pavlovienne, sur la base d’opinions toutes faites, mordant à l’énoncé de mots clés standardisés… tout cela est une spécialité de l’intelligentsia de gauche depuis près de 100 ans. Orwell a brillamment documenté l’imbécilité empressée des plumitifs adorateurs de Staline… empressement servile que l’on retrouve aujourd »hui chez les penseurs de salon comme Finkielkraut, Klugman ou BHL…

Peu à peu, leur arme s’émousse, l’accusation d’antisémitisme pour faire taire quelqu’un ne fonctionne plus vraiment. Cela ne pourra que profiter à la liberté de penser par soi-même et le droit de poser des questions dérangeantes, non canalisées par la mode du moment…

Comme le dit Salomon Sand : « Si l’on a pu affirmer, un jour, que la patrie constitue l’ultime recours de l’impie, on pourrait, aujourd’hui, dire que la Shoah est devenue l’ultime recours des démagogues prosionistes ! »


[Le Monde – 04/04/2009 – Traduit de l’hebreu par Michel Bilis]

Shlomo Sand est Professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv, auteur de « Comment le peuple juif fut inventé » (Fayard, 2008) – Texte traduit de l’hébreu par Michel Bilis

Mon livre Comment le peuple juif fut inventé a été, pendant six mois, ignoré par la critique ; ce mur du silence ne l’a, cependant, pas empêché de connaître un étonnant succès en librairie, et il a donc bien fallu y faire référence ! Celle-ci n’a, hélas, pas émané d’un historien mais d’un critique littéraire : Eric Marty, qui s’est invité pour donner son point de vue (Le Monde du 30 mars), avec une véhémence digne d’un militant nationaliste.

Je ne souhaite pas réagir, ici et maintenant, à ses accusations stupéfiantes ! Je ne puis que sourire en apprenant mon statut d' »historien autodidacte » ! A cet énoncé inexact (je suis professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv depuis vingt-quatre ans), il me faut ajouter une seconde correction : je ne suis pas l’auteur de l’hypothèse selon laquelle les Palestiniens seraient les descendants des Judéens de l’Antiquité ; la paternité en revient à David Ben Gourion, fondateur de l’Etat d’Israël, et à Isaac Ben Zvi, qui en fut le deuxième président. Cette thèse a été, ensuite, formulée à plusieurs reprises par d’autres qui ont observé que la population juive en Palestine fut convertie à l’islam au VIIe siècle.

Je suis fondé à demander si Eric Marty a vraiment lu mon livre. S’il l’a lu, il aura pu mieux comprendre que les grands textes sacrés ne construisent pas des peuples ou des nations, mais donnent naissance à de grandes religions. Malheureusement pour lui, la Bible n’a pas créé un peuple juif, tout comme le baptême de Clovis n’a pas fondé un peuple français.

Dans Comment le peuple juif fut inventé, je ne traite pas directement de l’histoire des juifs mais j’analyse l’historiographie sioniste, en essayant de démontrer que le récit national juif sur le passé relève davantage d’un empilement de mythes mobilisateurs successifs que de l’écriture historique qui nous est familière depuis les trente dernières années. A cet égard, mon livre ne témoigne d’aucune originalité ; j’ai, en effet, appliqué à l’historiographie sioniste des principes théoriques développés antérieurement dans d’autres contextes historiographiques. Je n’ai mis en évidence que très peu de données réellement nouvelles ; je me suis « contenté » d’ordonner différemment un savoir historique déjà existant.

Voici un exemple de « mon manque d’originalité » : il apparaît dans tout manuel d’histoire en Israël, mais également en Europe, que le « peuple juif » a été exilé de sa patrie au premier siècle après J.-C., à la suite de la destruction du Temple. Or, très étrangement, on ne trouvera pas le moindre ouvrage de recherche consacré à cet acte d’exil ! Les Romains emmenaient, certes, des rebelles en captivité mais ils n’ont pas exilé de peuple du Moyen-Orient : la chose est connue de tout historien de métier, spécialiste de cette époque, mais demeure ignorée du grand public.

D’où viennent, dans ce cas, les juifs apparus en grand nombre, de l’époque romaine jusqu’au Xe siècle ? Il faut y voir le résultat d’un processus de conversions massives qui touchaient des individus isolés mais aussi des royaumes entiers d’où seront issues de nombreuses communautés religieuses. Faut-il les définir comme un « peuple » ?

Au Moyen-Age, ce terme était appliqué aussi aux religions : il était habituel de parler du « peuple chrétien ». Dans les temps modernes, le mot « peuple » désigne, en langage courant, des groupes humains qui partagent une même langue, des habitudes de vie et une culture laïque commune. Je recommande, à ce propos, la lecture des Mémoires de Raymond Aron – célèbre « négateur du peuple juif » ! -, qui ne craignait pas de s’interroger : « Que signifie le peuple juif ? Existe-t-il ? Peut-on parler du peuple juif comme on parle du peuple français ? Ou comme on parle du peuple basque ? La seule réponse valable me paraît celle-ci : si l’on parle du « peuple juif », on emploie la notion de peuple en un sens qui ne vaut que dans ce seul cas » (p. 502-503).

UN « ETHNOS » ERRANT

Tout historien sérieux reconnaîtra l’impossibilité conceptuelle et l’illogisme d’une telle chose que, précisément, j’ai voulu clarifier dans mon livre. Le sionisme a décrit les juifs non pas comme un ensemble religieux important mais comme un « ethnos » errant, non pas comme une race pure mais tout de même comme un groupe humain relevant d’une origine commune qui lui donne un « droit historique » à une certaine terre.

Le sionisme, encore aujourd’hui, ne voit pas Israël comme une république au service de son « démos », c’est-à-dire de tous les citoyens israéliens qui y vivent mais comme l’Etat des juifs du monde entier. Une telle situation fait planer sur l’avenir d’Israël une interrogation peut-être plus grave, encore, que la conquête des territoires en 1967.

Si l’on a pu affirmer, un jour, que la patrie constitue l’ultime recours de l’impie, on pourrait, aujourd’hui, dire que la Shoah est devenue l’ultime recours des démagogues prosionistes ! Pourquoi se priver d’assimiler mon approche à celle des négateurs de l’existence des chambres à gaz ? C’est direct, plus c’est gros et plus ça passe, et c’est la garantie de mobiliser beaucoup de monde contre mon livre.

Je tiens à souligner qu’en Israël, dans tous les débats tempétueux autour de ce livre, jamais une telle comparaison n’a été évoquée. Mais Paris n’est pas Tel-Aviv. En France, rien de plus facile, pour faire taire des contradicteurs que d’insinuer qu’ils sont antisémites, ou peut-être pire encore : qu’ils n’aiment pas suffisamment les juifs !

On a pu dire, jadis, que la France est toujours en retard d’une guerre. J’ai, aujourd’hui, l’impression que la France a plutôt tendance à être en retard d’une souffrance ! Jusqu’à quand va-t-on, en effet, continuer à dilapider l’héritage moral de la souffrance précédente qui fut, certainement, la plus terrible d’entre toutes ? Là se situe, en fin de compte, le réel danger.


La hantise d’un « mouvement des droits civiques », dans lequel les  Palestiniens se mettraient soudain à scander « One Man, One Vote » fait depuis longtemps peur aux politiques en Israël. Ils savent que si les Arabes abandonnaient la violence pour réclammer l’égalité, Israël perdrait l’unique justification de sa politique militariste et expansioniste… et perdrait également le soutien d’une bonne partie de la gauche juive aux Etats-unis…

C’est pour cela que Israël encourage toujours les mouvements les plus radicaux (comme le Hamas, une fabrication israélienne pour saper Arafat) et s’arrange pour maintenir toujours une certaine tension sur le terrain, afin d’encourager la violence dont elle a besoin pour justifier son existence…

Ali Abunimah ne dit rien d’autre dans « Israël a besoin de la fiction d’un Etat Palestinien pour continuer à exister »

[Miko Peled – The Electronic Intifada – 29/03/2008 – Trad. JPP]
Maintenant que le Kosovo est un Etat indépendant, émergeant des ruines de l’ex-Yougoslavie, des parallèles sont tirés entre les Balkans et le Moyen-Orient. L’une des réactions à cet évènement émane de la ministre des Affaires étrangères d’Israël, Tzipi Livni. Cela ne la dérange pas si les Palestiniens suivent l’exemple des Kosovars et proclament un Etat ; ce qui l’inquiète, c’est que les Palestiniens réclament les mêmes droits que les Israéliens.

Ajoutant à la crainte des Israéliens de voir surgir une demande pour des droits égaux, Ahmad Khalidi écrit, dans un article récent dans The Gardian, qu’on n’a jamais proposé, comme actuellement, un Etat aussi peu attractif aux Palestiniens et que ceux-ci pourraient faire le choix qui est le « pire cauchemar d’Olmert » : appeler à un « véritable partenariat pour le partage du territoire ». Livni et Olmert ont dit que l’éventualité d’une telle égalité les empêchait de dormir, et ils ont de bonnes raisons pour cela.Une fois que le discours passe de « l’autodétermination » à « la liberté et à la démocratie », comme Ahmed Khalidi le fait remarquer, la marque sioniste de l’apartheid n’a plus qu’à s’effacer et à laisser la place à une démocratie laïque naissante.

Trois arguments vont être avancés ici en faveur de la transformation de l’Etat de ségrégation raciale qu’est Israël en un Etat de démocratie laïque sur l’ensemble de la Palestine/Israël historique :

1 – Pour parvenir à un règlement durable au conflit israélo-palestinien, il faut mettre un terme à la domination d’Israël sur la terre, les personnes et le discours, les deux côtés doivent négocier à égalité. Dans le même temps, toute recherche de solution doit prendre en compte le fait qu’Israël n’acceptera pas de bon gré une telle parité et s’emploiera de toutes ses forces à maintenir sa domination.

2 – Aussi longtemps que l’essentiel des efforts pour solutionner le conflit se concentrera sur la partition de la Palestine/Israël historique, il n’y aura aucune solution au conflit. L’idée de partition a aujourd’hui fait faillite et la défendre ne fait que permettre à Israël de dominer le discours et d’assurer son contrôle violent sur les Palestiniens et sur leur terre.

3 – La solution connue pour un seul Etat n’est plus une option avancée par quelques-uns, elle est maintenant devenue réalité ; les actes et les débats doivent maintenant se concentrer sur la transformation d’un système raciste, ségrégationniste aujourd’hui en place, en un système démocratique laïc de gouvernement. Le règlement du conflit ne consiste pas partager la terre avec toujours plus de ségrégation, mais à couper les institutions gouvernementales de leur identité unique, pour les deux côtés. L’Etat doit être au service de tous, représenter chaque Israélien et chaque Palestinien vivant entre le fleuve du Jourdain et la mer Méditerranée.

http://mcpalestine.canalblog.com/archives/2008/03/30/8528513.html 


[Article un peu ancien, mais qui garde toute son actualité pour ce qui concerne le rôle néfaste de l’AIPAC, de ses amis évangélistes et de tous ceux qui se proclament « amis d’Israël » aux Etats-Unis]

Ces Juifs américains qui sont un danger pour Israël
[ Akiva Eldar – Ha’aretz, 25 janvier 2008 – Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant]

http://www.haaretz.com/hasen/spages/957533.html

A la question rituelle de savoir quel candidat aux présidentielles américaines serait le meilleur pour les Juifs, il existe une réponse juive, c’est-à-dire par une autre question. En fait, par deux questions : « Qu’est-ce qui est bon pour les Juifs ? », et « Pour quels Juifs ? »

Par exemple, ce week-end, le New York Times rapportait que lors de la conférence de la Ligue arabe qui doit se tenir le mois prochain à Damas, l’offre d’une normalisation des relations des Etats arabes avec Israël en échange de la fin de l’occupation serait réexaminée. Est-ce bon ou mauvais ? Cela dépend à quel Juif on pose la question. (suite…)


Une partie non négligeable des Juifs ne veut aucun lien avec Israël, ou est très critique de ce pays. Un antisionisme juif existe. Pourquoi eux peuvent et moi pas?

Victor Ginsburgh – Professeur de l’Université Libre de Bruxelles

J’ai eu la maladresse d’écrire qu’à mon goût, mon université était insuffisamment antisioniste. Elle ne l’est pas du tout; moi je le suis. Des amis proches, Moïse R. et Philippe W. ont eu la gentillesse de me demander ce que j’entendais par là. Ils le savaient, eux, mais ils m’ont ainsi donné l’occasion d’y réfléchir. D’autres le feront peut-être aussi, pour autant qu’ils m’adressent encore la parole. Voilà, je dois à Moïse et à Philippe les quelques explications qui suivent. Quant aux autres, aucune raison de me justifier.

Je suis devenu Juif à l’âge de 35 ans, lors d’un séjour à Cracovie alors que je passais devant un cimetière juif où les herbes étaient tellement hautes que l’on ne voyait plus les pierres. Je ne savais même pas qu’Auschwitz était là, à quelques kilomètres. Auschwitz, et ailleurs, où avaient disparu, disait ma mère, 56 personnes de la famille.

C’est quoi, pour moi, être Juif?

Mendès-France à qui l’on posait la question aurait répondu: «Je suis né Juif; les antisémites me considèrent comme Juif, et mes enfants savent qu’ils sont Juifs.» Freud se décrivait comme quelqu’un «qui est complètement étranger à la religion de ses pères» – aussi bien qu’à toute autre religion – et qui ne peut partager des idéaux nationalistes, mais qui cependant n’a jamais répudié son peuple, qui sent qu’il est un Juif dans sa nature essentielle et qui n’a aucun désir d’altérer cette nature. Si la question lui était posée: «Puisque vous avez abandonné toutes ces caractéristiques communes à vos compatriotes, que vous est-il resté qui soit Juif?», il répondrait: «Enormément et probablement sa véritable essence». Voilà pour mon état de Juif. Rien de plus, rien de moins.

C’est quoi, pour moi, être sioniste ou antisioniste?

Si c’est ce qu’écrivait, en 1914, Moshe Smilansky, qui était à la tête de l’Union des agriculteurs juifs de Palestine, alors je suis sioniste: «Il n’y a pas, à mon avis, d’antagonisme entre l’aspiration nationale arabe et l’aspiration nationale juive. Il n’y en a pas, parce que la terre de notre espérance n’est qu’un petit coin au milieu des vastes pays dans lesquels le peuple arabe est de par son nombre l’élément décisif. Il n’y en a pas pour nous, parce que la perspective dans laquelle nous envisageons notre avenir, n’est pas politique, ni étatique, mais bien économique et culturelle… Et la Palestine, du fait qu’elle est économiquement et culturellement le pays des Juifs, sera un rapport substantiel à la fédération turco-arabe à venir.» Et il faut reconnaître que la réussite dans ces domaines est éclatante. (suite…)


Azmi Bishara :recherché pour crimes contre l’état
[The Guardian –  UK – Mardi 24 juillet 2007 – Traduction : ???]

Durant plusieurs années, Azmi Bishara était l’une des voix les plus importantes représentant les 1,5 millions d’Arabes vivant en Israël. Mais maintenant il est un fugitif, affrontant quelques unes des plus sérieuses allégations jamais portées contre un député israélien. Qu’est ce qui s’est passé ? Dans une rare interview, il parle à Rory McCarthy.

Quand la guerre a éclaté au Liban l’été dernier, il y’a eu peu de voix dissidentes en Israël. Des sondages publics montraient un soutien public sans précédent du conflit. Des politiques et des experts remplissaient les studios de télévision pour soutenir qu’Israël se battait pour sa survie dans sa guerre pour effacer le Hezbollah.

Mais un député israélien voyait les choses différemment. Il a écrit que le Hezbollah était un mouvement de résistance se battant dans une guerre menée par un gouvernement israélien dirigé par « des médiocres, des lâches et des opportunistes » qui étaient responsables d’un « vandalisme barbare et du ciblage délibéré des civiles ».

Après une dizaine d’années comme député dans le Knesset, Azmi Bishara, politicien, auteur et académicien, s’était forgé une réputation comme le personnage politique le plus critique à émerger de la minorité arabe d’Israël. Peu après la fin de guerre, Bishara et une poignée de députés de son parti politique « Balad » ont voyagé en Syrie et au Liban, tous les deux des « états ennemis », où il a continué à dénoncer son gouvernement. Il n’avait pas à attendre longtemps pour une réaction : en septembre, le procureur général israélien demanda à la police de commencer une enquête criminelle.

Ce n’était pas la première recherche dans les activités de Bishara, alors il n’était pas surpris quand six mois plus tard il a été appelé au commissariat de police de Petah Tikya, proche de Tel Aviv, pour interrogation. Par deux fois il a rencontré deux officiers de police, et puis il est parti pour ce qu’il insiste à dire était un tour de discours préplanifié en Jordanie.

C’était seulement alors qu’il était loin que les enquêteurs ont laissé passer des détails de l’affaire à la presse israélienne. Bien que Bishara n’ait pas été inculpé, il s’est avéré qu’il était sous enquête pour blanchiment d’argent, contact avec un agent étranger, fourniture d’informations à l’ennemi et, plus sérieusement, assistance à l’ennemi durant la guerre – une accusation qui peut être sanctionnée par la peine de mort.

Ce sont quelques unes des plus sérieuses allégations jamais portées contre un député israélien et qui signifient effectivement que Bishara doit soit rester en exile à l’étranger ou bien retourner pour affronter la perspective d’une condamnation à une longue peine de prison, voire pire. Mais Bishara est aussi le plus important défenseur des droits politiques des Arabes en Israël et les investigations ont montré un clivage grandissant dans la société israélienne entre la majorité juive et la minorité palestinienne de 20%.

Bishara n’est pas retourné chez lui. En avril il a remis sa démission du Knesset à l’ambassade israélienne au Caire. Maintenant il vit avec son épouse et leurs deux enfants dans un appartement d’un ami à Amman en Jordanie.

« L’action symbolique de me faire venir au procès et de me condamner – ils les cherchent. Je sais qu’ils le cherchent, » il dit dans une rare interview au Guardian. « Je ne vais pas les laisser réussir ; je suis toujours deux pas en avant. » Il s’assoit dans le sofa, vêtu dans une chemise polo et un pantalon chinos avec son téléphone mobile posé sur une table à café. Sur un bureau derrière lui, il y a un PC portable et le brouillon d’un nouveau livre qu’il est en train d’écrire sur la démocratie dans le monde arabe.

Bishara dément l’accusation qu’on lui fait et affirme que la vraie raison de l’enquête n’est pas ses actions durant la guerre contre le Liban mais c’est son appel tenu de longue date et largement diffusé pour un changement fondamental dans la nature de l’état israélien : c’est sa croyance que le pays ne doit plus être un état juif mais doit protéger les droits des Arabes et devenir un « état pour tous ces citoyens ».

« Ils veulent condamner toute l’idéologie politique et l’utiliser comme une couverture pour un autre type d’activité qui n’est pas vrai », il dit.

En mars, le journal très répandu Yedioth Ahronoth a publié une histoire rapportant que suite à des mises sous écoute téléphonique effectuées par le Shin Bet, les services de renseignements israéliens, on a enregistré des conversations de Bishara durant la guerre. L’histoire a dit qu’il avait parlé à des « contacts de Hezbollah » et les avait dirigés vers des « cibles optimales pour leurs missiles ». Elle a aussi rapporté qu’il avait obtenu des « centaines de milliers de dollars en liquide » via des changeurs de monnaie à Jérusalem Est, en utilisant des mots de code comme « livre » qui voulait dire 50000 dollars selon le journal, « anglais » qui voulait dire dollars et « hébreu » qui voulait dire shekels.

Le journal a rapporté que « les enquêteurs avaient déclaré qu’ils savaient que Bishara utilisait des mots de code parce qu’il soupçonnait qu’il était mis sous écoute ; ils avaient dit qu’ils avaient éclaté de rire quand Bishara avait placé un ordre pour un ‘demi livre en anglais’, voulant dire 25000 dollars ».

Bishara insiste que les allégations ne sont pas vraies ; Il dit qu’il n’a parlé à personne du Hezbollah durant la guerre. « Est-il vrai que j’étais au téléphone ? Oui, et les gens écoutaient. Mais parlais-je au Hezbollah ? La réponse est non ». Il a effectivement parlé à des politiciens et des journalistes en Syrie et au Liban, mais il dit qu’il n’avait pas d’informations secrètes à leur fournir. « Nous n’avons pas ce genre d’informations à passer à personne, » il dit. « Qu’est ce que je pouvais dire qui n’était pas dans les médias ? C’est incroyable. Ce n’est pas sérieux du tout ».

Les allégations sur le blanchissage d’argent, il dit, sont des « sottises », et quand il a utilisé le mot « livre » dans ses conversations téléphoniques avec un changeur de monnaie, il dit qu’il parlait à propos des livres qu’ils avaient prêté l’un à l’autre. « C’était à propos de livres, vraiment à propos de livres. Il continuait à me prendre des livres et à m’en donner. C’est un vrai collectionneur de livres. Il lit. Mais c’est tout », il dit. « C’est toute une affaire de tourner une activité politique, idéologique et intellectuelle en une suspicion sécuritaire ».

Bishara est un catholique roman et un gauchiste, né dans une famille de classe basse moyenne à Nazareth. Son père était un inspecteur de santé, un syndicaliste et une fois communiste, sa mère était une enseignante. Durant la guerre de 1948 quand des centaines de milliers de Palestiniens avaient fui ou étaient forcés de quitter leurs maisons, la famille de Bishara était restée dans le pays qui est devenu Israël. Bishara a étudié aux universités Hébreu et de Haïfa, et ses relations du parti communiste lui ont offert la possibilité de réaliser un doctorat en Philosophie à l’université de Humboldt à Berlin est dans les années 80. Comme la plupart des Arabes en Israël, il rejette les définitions de l’establishment et décrit sa nationalité comme simplement un Palestinien arabe.

Né dans une ville israélienne huit ans après la création de l’état d’Israël, il porte la nationalité israélienne, ce qui fait de lui un membre de la minorité arabe de 20% du pays et lui donne le droit à voter et à se présenter aux élections parlementaires. Il peut remonter dans son arbre de famille à des centaines d’années à un village au nord de Nazareth, dans ce qui est aujourd’hui le nord d’Israël.

Avant sa démission, son parti politique « Balad » avait quatre sièges au Knesset dans un pays où beaucoup d’Arabes israéliens ont tendance à voter pour les partis politiques les plus importants, notamment le parti travailliste – actuellement participant à la coalition gouvernemental. Même Bishara reconnaît qu’il n’y a pas de large soutien populaire pour ses idées parmi sa propre communauté. Un sondage d’opinion en début de cette année a montré que les trois-quarts des Arabes israéliens soutiendraient une constitution décrivant Israël comme un état juif et démocratique.

Cependant, dans les derniers mois, cela a commencé à changer. Pour un début, le racisme contre les Arabes en Israël augmente selon au moins un récent sondage. Dans une enquête pour le Centre Conte le Racisme, un sondage parmi les Juifs israéliens a trouvé que plus que la moitié croyait que c’est une trahison pour une femme juive de se marier avec un homme arabe ; 40% disait les Arabes ne devraient plus avoir le droit de voter dans les élections parlementaires ; et 75% s’opposait à ce que les immeubles d’habitation aient été partagés ente les Juifs et les Arabes.

En même temps, de plus en plus d’Arabes israéliens importants adoptent des idées similaires à Bishara et proposent un défi fondamental à la nature juive de l’état. Quatre documents séparés ont émergé depuis décembre, chacun présentant un cas similaire. Adalah, un groupe pour les droits de l’homme (Adalah <http://www.adalah.org/&gt; , ‘Justice’ en Arabe, est un groupe palestinien basé en Israël pour la défense des droits la minorité arabe en Israël, ndt.), a publié une version préliminaire de constitution qui stipulait qu’Israël devrait être défini non pas comme un état juif mais comme un « état démocratique, bilingue et multiculturel. » Il appelle à mettre une fin à la Loi du Retour, qui donne la nationalité automatiquement à toute personne avec au moins un grand-parent juif, et il appelle Israël à « reconnaître ses responsabilités pour les injustices passées subies par le peuple palestinien ».

Puis, plutôt ce mois, dans une remarquable interview avec le journal Haaretz, Avraham Brug, un précédent porte-parole juif du Knesset et précédent Président de l’Agence Juive, a exprimé sa propre dénonciation de la structure d’Israël. « Cela ne peut plus marcher, » il a déclaré. « Définir l’état d’Israël comme un état juif est la clé pour sa fin. Un état juif est explosif. C’est de la dynamite. » Burg a aussi appelé pour un changement de la Loi du Retour et était très critique vis-à-vis de ce qu’il appelait le « Sionisme conflictuel » d’Israël.

Pour Bishara, de tels commentaires ne font que renforcer ces opinions tenues de longue date. « Tout est dit comme s’il y a un éléphant dans la chambre et personne ne veut en parler, c’est ce qu’on appelle un état pour tous ces citoyens », il dit. « Mais l’idée a gagné. Cette idée maintenant est le vrai rival de l’état sioniste. C’est la première fois qu’on a un vrai défi ».

La Loi du retour, il argumente, est un problème fondamental, comme c’est l’idée d’un état à la fois juif et démocratique. « Le problème avec cet état est qu’il ne peut garantir l’égalité. Il ne peut séparer ente la religion et l’état et il aura toujours une mission idéologique qui l’empêchera de s’intégrer dans la région ou de servir ses citoyens ». Il décrit Israël comme une « démocratie coloniale ».

« Cette relation fondamentale entre un état et ces citoyens devrait être la citoyenneté, non pas l’affiliation ethnique ou religieuse », il dit. « Qui est un citoyen en Israël ? Est-ce que mon cousin au Liban qui a quitté le pays en 1948 est autorisé à retourner ou pas ? C’est basique. Mais quelqu’un qui peut prouver que sa mère est juive, de Brooklyn – il peut venir ».

Cependant, la réalité est qu’il y a peu de chance pour que l’une de ces idées devienne une loi dans le proche avenir. Israël n’a pas de constitution et, bien qu’il y a fréquemment des paroles sur ce à quoi pourrait ressembler une version préliminaire, il demeure de grandes différences sur d’autres sujets au-delà des relations juives-arabes, notamment la lourde question sur la relation entre les Juifs religieux et laïcs.

Il y a eu une sévère réaction à ce défi idéologique. Yuval Diskin, le chef du Shin Bet, a été cité plutôt cette année mettant en garde qu’une radicalisation de la minorité arabe israélienne était une « menace stratégique à l’existence de l’état ». En mars, un député de la droite a proposé un projet de loi dans le Knesset qui demanderait dans l’avenir à tous les députés de prêter serment de loyauté à Israël comme un état juif et à son hymne national et son drapeau.

« Nous devons tout faire pour garder Israël comme un état juif », a déclaré Arnon Soffer, chef du département de Géostratégie à l’université de Haïfa et un défenseur principal de l’argument que les Arabes israéliens et les Palestiniens constituent une « menace démographique » pour les Juifs. « Il est clair pour moi que devenir une minorité dans cette région est la fin du peuple juif, du rêve juif, de l’état juif », il a déclaré. « Ils utilisent des mots comme ‘démocratie’, mais s’ils sont au pouvoir, c’est la fin de la démocratie. Nous devons arrêter d’être des naïfs ».

Bishara n’accorde pas de considération à ceux qui prétendent que les Arabes ont déjà suffisamment de droits en Israël – notamment la citoyenneté, le droit de vote et le droit de s’exprimer librement. Ce ne sont que des concessions, il dit. « Vous avez pris la terre et m’avez donné la liberté de parole », il dit. « Qui gagne ici ? Révisons l’accord. Prenez votre liberté de parole et rendez-moi la Palestine. Qu’en pensez-vous ? »

Plus longtemps le conflit entre les Israéliens et les Palestiniens dure, il dit, les Arabes israéliens et les Palestiniens dans les territoires occupés vont se rapprocher et l’argument pour un seul état binational va devenir plus fort, un argument qu’il privilégie clairement.

« Si cela continue comme maintenant, à la fin les questions des Arabes en Israël et des Palestiniens en Cisjordanie et dans Gaza vont se rencontrer », il dit. « Binational signifie que les Arabes devraient aussi reconnaître que les Juifs sont une nationalité. Cela ne veut pas dire la destruction de l’état. Cela veut dire que deux entités politiques devront vivre ensemble. C’est un grand compromis ».

 http://www.guardian.co.uk/israel/Story/0,,2133267,00.html