[CBC News 11/01/2008 – Trad. Grégoire Seither]
Au Canada, le meurtre d’une adolescente de 14 ans la nuit du Nouvel An a mis en lumière certains problèmes légaux concernant le site Facebook. La plupart des médias se sont émus du fait que – en violation de la loi de protection des délinquants mineurs – les utilisateurs Internet ont rapidement repréré les pages Facebook de la victime ou celles de son agresseur et en ont diffusé les images, notamment les portraits
Mais un autre problème concerne la façon dont les médias ont utilisé Facebook pour illustrer leur couverture de l’affaire. Dès que l’identité de la victime a été connue, la presse s’est précipité sur Facebook pour y trouver des photos de la jeune fille. Si le « Globe and Mail », le « Toronto Star » et le « Toronto Sun » ont utilisé la photo autorisée diffusée par les services de police, le « National Post » et les trois autres quotidiens locaux ont publié en première page et en pages intérieures une autre photo avec la mention « Facebook ». La télévision, notamment les informations de 18 heures de CBC ont également repris plusieurs photos tirées de la page Facebook de la jeune fille.
Facebook ne revendique pas de droits d’auteur ou de copyright sur les photos mises en ligne par ses utilisateurs, mais les conditions d’utilisation du site précisent qu’en envoyant des photos sur le site, le photographe autorise Facebook à publier, traduire, distribuer et créer des oeuvres dérivées à partir de ces photos. Toutefois la propriété de l’oeuvre reste au créateur.
« Une licence d’utilisation est un accord légal dans lequel la partie qui détient les droits sur la photo accorde certains droits à la personne licenciée » explique Michael Geist, professeur de droit à l’université d’Ottawa et spécialiste du droit de l’internet. « Le photographe détient les droits sur chaque photo qu’il prend. Il conserve ces droits, mais en mettant la photo en ligne sur Facebook, ils en transfère certains à la société propriétaire du site. »
La législation au Canada accorde des exceptions dans certains circonstances, regroupées sous le terme de « usage loyal » (fair use) et qui permettent l’usage de documents pour des travaux de recherche, d’étude privée, d’étude critique ou d’analyse.
« Les médias ont tendance à se cacher derrière la notion d’usage loyal pour ne pas avoir à demander une licence d’utilisation d’une photo, » explique Geist. « Le Copyright Act précise que tant que la source du document est mentionnée – le nom du photographe par exemple – et que le document est publié en cohérence avec l’information, il n’y a pas violation du droit d’auteur. »
« Mais ce n’est pas si simple que cela. Si dans le cas d’un article ils publient une photo d’un écran affichant une page Facebook et que cette page comporte une photo, alors on peut faire jouer l’usage loyal. Mais s’ils se contentent de télécharger une photo sur une page Facebook et l’utilisent pour illustrer un article, alors je ne pense pas qu’on puisse se dispenser d’une demande d’autorisation auprès du propriétaire de l’oeuvre. »
(…)
Outre les considérations légales, un des problèmes posés par l’utilisation de Facebook comme source d’informations et de photographies par la presse est le fait qu’il est difficile de savoir si la photo mise en ligne représente vraiment la personne qu’elle prétend représenter. N’importe qui peut mettre en ligne une photo sur Facebook et lui attribuer une identité, vraie ou fausse. et même si la page Facebook prétend être la page perso d’une certaine personne, il n’y a aucune garantie quand à la véracité des informations qui y figurent. Chacun est libre de s’attribuer une identité sur Facebook.
Les autres services de partage de photos, comme Flickr, Photobucket et Google Picasa ont des politiques d’utilisation de photos assez similaires à celles de Facebook. « Il y a déjà eu des cas où la presse est allé chercher des photos sur Flickr et les a utilisées en contravention des règles d’utilisation » explique Geist. (…)
En 2006, le tabloïde hollandais « Weekend » a publié des photos du présentateur de télévision Adam Curry, provenant d’un compte Flickr. Le journal a affirmé être dans son droit, les photos sur Flickr étant publiées sous licence Creative Commons – mais la licence CC en question n’autorisait la reproduction libre de droits que pour des utilisations non-commerciales. Curry porta plainte contre le tabloïd et gagna son procès.
In 2007, une campagne de publicité pour Virgin Mobile Australia avait utilisé – à son insu – une photo d’une adolescente de 15 ans, prise sur la page Flickr d’une de ses amies. Ici encore, l’agence de publicité s’est retranchée derrière la licence Creative Commons. Tant l’adolescente que l’auteur de la photo sont en procès avec Virgin Mobile dans cette affaire.Geist conseille aux utilisateurs la plus grande prudence quand ils publient leurs photos en ligne.
« La première chose à considérer sont les droits que vous voulez conserver et les droits que vous êtes prêt à céder – et quels sont les usages que vous êtes prêt à accepter pour vos images. Creative Commons vous offre une large palette de restrictions, à vous de les gérer intelligemment. » explique Geist.
http://www.cbc.ca/news/background/tech/internet/facebook-legal.html