Si vous n’avez pas encore lu le dernier livre de Thierry Meyssan, voici de quoi vous mettre l’eau à la bouche… une excellente enquête et synthèse… tout le reste du livre est à l’avenant.
[Thierry Meyssan – L’Effroyable Imposture n°2 – Manipulations et Désinformations]
Pendant les trente premières années de l’État d’Israël, les circonstances historiques ont distendu les liens que l’État juif entretenait avec ses créateurs, les chrétiens sionistes. Mais aucun ne pouvant vivre sans l’autre, ils ont noué de nouvelles collaborations, d’abord par le biais du régime d’apartheid d’Afrique du Sud, puis par la filière russe, jusqu’à aboutir à une synthèse : la théopolitique.
Durant la Guerre froide, les services de communication de Washington interprètent l’opposition Est/Ouest comme un combat eschatologique entre le pays de la liberté religieuse et celui du communisme athée. Un vaste effort de ré-évangélisation des institutions est entrepris. Le général George Marshall, successivement secrétaire d’État puis secrétaire à la Défense, supervise ce développement dans le corps diplomatique et les forces armées. Pour consolider le camp atlantique, il imagine une opération œcuménique où les sectes évangéliques cotoient les Églises anglicane et catholique. Cela lui permet aussi de mettre en sourdine les revendications pro-israéliennes des extrémistes religieux auxquelles il est fermement opposé.
Marshall installe avec la CIA le Plan de réhabilitation de l’Europe qui porte son nom et qui lui vaudra le Prix Nobel de la paix. Il emmène avec lui dans ses déplacements les pasteurs Abraham Vereide et Harald Bredesen qui mettent en place un vaste réseau de dirigeants chrétiens anti-communistes . Ce dispositif est approuvé par le président Truman des États-Unis, le roi George VI d’Angleterre, la reine Wilhelmina des Pays-Bas et le général Tchang Kai-Chek de Taiwan. En 1952, un rassemblement international de parlementaires chrétiens est convoqué aux Pays-Bas autour du général Alfred Gruenther, qui dirige alors les travaux de préfiguration de l’OTAN. Cette structure, dénommée aujourd’hui Fellowship Foundation, organisera pendant quarante ans des réunions de prière et des congrès pour renforcer l’identité chrétienne du camp atlantique face au bloc soviétique .
(NdL&I : Hillary Clinton, qui avait attaqué Obama pour ses amitiés « radicales » via le pasteur Wright, a toujours été très discrète sur son appartenance de longue date à la Fellowship Foundation, qui a pourtant eu un accès direct au président Clinton pendant 8 ans, à travers l’organisation HEBDOMADAIRE de « petits-déjeuners de prière » à la Maison Blanche. Hillary Clinton est aujourd’hui Ministre des Affaires étrangères du gouvernement Obama.)
En 1954, le serment d’allégeance, que tout enfant récite le matin à l’école et que tout citoyen états-unien professe dans les occasions solennelles, est modifié comme suit : « Je jure fidélité au drapeau des États Unis d’Amérique et à la République qu’il incarne : une nation unie sous le commandement de Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous » . En 1956, une résolution commune des deux chambres du Congrès choisit « En Dieu nous plaçons notre confiance » comme devise des États-Unis à la place de « Un pour tous ». Celle-ci est inscrite dès l’année suivante sur les billets de banque. L’identité chrétienne ne s’applique plus seulement à l’Alliance atlantique, mais aussi au système économique capitaliste .
La Fellowship Foundation installe son quartier général à proximité du Pentagone. Un bureau d’Information et d’Éducation des troupes est créé au département de la Défense et confié à la Fondation. Il édite des manuels et dispense des formations assimilant le service dans les forces armées états-uniennes à une croisade pour la liberté religieuse dans le monde.
Malgré le caractère œcuménique de ses débuts, la Fellowship Foundation se recentre progressivement autour des seules sectes évangéliques dont elle prend le contrôle en sous-main. Elle les enflamme dans un soutien exalté à l’impérialisme états-unien. Elle se heurte bientôt au Conseil œcuménique des Églises qui fédère à Genève les principales confessions protestantes classiques. La tension interne à la culture religieuse anglo-saxonne se réveille une fois de plus. Ce Conseil dénonce les discriminations en Israël et condamne la guerre du Vietnam. C’est pourquoi le Pentagone créé, en 1974, une structure rivale, le Comité de Lausanne. 4 000 pasteurs évangéliques se réunissent tous frais payés par le département de la Défense autour de leur nouvelle figure de proue, le révérend Billy Graham. Ce dernier sillone le monde comme une rock star, organisant des prédications-spectacles qui trouvent des auditoires toujours plus nombreux.
Par ailleurs, l’opinion publique internationale prend lentement conscience de l’anachronisme du régime sioniste. Alors que l’État d’Israël avait été présenté à la communauté internationale comme le fruit de la décolonisation britannique, il s’avère être un État colonial juif, conformément au projet formulé au XIXe siècle par Theodor Herzl. Ce particularisme le rapproche des deux autres États coloniaux.
En Afrique australe, les puritains néerlandais se sont affranchis de la tutelle britannique au XIXe siècle. Ils se sont enfoncés dans l’intérieur des terres lors du « Grand Trek » qu’ils ont comparé à l’Exode biblique. Ils sont sortis victorieux de l’affrontement avec les zoulous à la bataille de Blood River, après avoir invoqué leur Dieu et ont créé ce qui est devenu l’Afrique du Sud et qu’ils appellent eux aussi « le nouvel Israël ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils soutiennent les nazis contre les Anglais, puis instaurent le régime d’apartheid. De leur côté, les Britanniques de Rhodésie, effrayés par la perspective de la décolonisation, se sont révoltés contre la Couronne et se sont constitués en État indépendant, en 1965.
Bien que les systèmes juridiques israélien, sud-africain et rhodésien soient assez différents, ils poursuivent tous trois les mêmes objectifs discriminatoires : réserver la terre et le pouvoir à une minorité ethnique. C’est donc bien logiquement que ces États, écartant les sujets qui fâchent comme le nazisme et l’antisémitisme, multiplient les contacts.
En 1953, l’Assemblée générale de l’ONU dénonce « l’alliance entre le racisme sud-africain et le sionisme » . Puis, en 1975, elle qualifie le sionisme de « forme de racisme et de discrimination raciale » . (suite…)