La France est engagée en Centrafrique. Il y a un an, elle intervenait au Mali, une autre de ses ex-colonies. Ces interventions relèvent-elles d’un néocolonialisme ?
Les véritables questions derrière ces interventions seraient plutôt : pourquoi, cinquante ans après les indépendances, l’Afrique n’a-t-elle pas réussi à construire des armées capables de faire face à de tels événements ? Comment expliquer la facilité avec laquelle des rébellions mobilisent de jeunes combattants ? Pourquoi arrive-t-on si aisément à se procurer des armes sur un continent qui ne parvient pas à assurer une couverture universelle en matière de vaccination infantile ou de scolarisation ? Le problème n’est pas l’intervention de la France mais ce qu’elle révèle des Etats africains : des Etats fragiles, inefficaces et incapables de mobiliser les populations pour défendre leur patrie.
Quelles sont les origines de cette fragilité ?
Au moment des indépendances africaines, la France a transféré le pouvoir aux élites les plus favorables à une continuation du système colonial. Aujourd’hui, les groupes au pouvoir restent connectés à la France par la persistance du modèle économique, fondé sur l’extraction des ressources naturelles. Ces ressources, non valorisées localement, sont achetées à un prix très inférieur à celui du marché mondial. En échange, les élites africaines reçoivent une rente réexportée en Europe sous la forme de comptes bancaires ou de biens immobiliers. Pis, ces élites ont un modèle de consommation qui ne favorise pas la production locale. Tout cela laisse la population exsangue, et la jeunesse face à une alternative : rejoindre les rébellions, les mouvements djihadistes ou évangéliques, ou émigrer. (suite…)