[Martin Untersinger – Le Monde – 28/03/2014]
La Turquie se rapproche un peu plus du club très fermé des pays censeurs du Net. Après Twitter, les autorités d’Ankara ont ordonné le blocage de Youtube, jeudi 27 mars. Concrètement, le BTK, l’organisme turc de régulation d’Internet, a demandé aux fournisseurs d’accès d’interdire à leurs clients d’accéder à Twitter et à Youtube.
Mais ces mesures sont peu efficaces. Le nombre de tweets postés a ainsi augmenté de 138 % après le blocage, selon l’agence médias sociaux We are social. Dans le bras de fer entamé entre le gouvernement et les internautes, ces derniers semblent prendre le dessus. Voici comment :
- Les VPN
Les internautes turcs peuvent contourner le blocage des sites grâce à un VPN (réseau privé virtuel), une sorte de passerelle permettant de déjouer le blocage. Dans les faits, l’utilisateur se connecte à un ordinateur hors de Turquie, qui va servir d’intermédiaire pour se connecter à Twitter ou Youtube.
Cette méthode empêche les fournisseurs d’accès de détecter que l’internaute turc visite, en réalité, un site censé être bloqué.
- Les réglages DNS
D’autres internautes peuvent modifier les réglages DNS de leur connexion. Le système DNS est une sorte d’aiguillage permettant d’orienter les connexions sur Internet. Lorsqu’un internaute turc décide d’aller sur Twitter ou Youtube, il s’adresse aux serveurs DNS de son fournisseur d’accès à Internet pour obtenir le chemin vers les serveurs du réseau social.
En changeant ces réglages, cela empêche aussi, dans une certaine mesure, le fournisseur d’accès de détecter que son client désire se rendre sur les sites bloqués.
Des graffitis indiquant l’adresse IP des serveurs DNS de Google, un réglage efficace afin d’échapper au blocage, ont même été apposés sur des murs et largement partagés sur… Twitter.
Access au Twitter bloqué #Turquie Un graffiti enseignant comment changer votre DNS, http://t.co/gSx7NHQrjH #TwitterisblockedinTurkey
— Öznur Karakaş (@oznurkarakas)
Mais cette technique s’est révélée si populaire que le gouvernement turc a bloqué les serveurs DNS de Google et durci le blocage de Twitter demanière à rendre inopérant le changement de DNS.
- Tor
Le logiciel Tor, qui permet de rendre anonyme la navigation sur Internet, est également un outil très efficace pour échapper à la censure et au blocage d’Internet. La preuve ? L’augmentation sensible de l’utilisation de cet outil par les internautes turcs après la décision du blocage de Twitter.

Pendant plusieurs heures, le principal fournisseur d’accès a même bloquéle site sur lequel il est possible de télécharger le logiciel. Mais des sites « miroirs », répliquant le contenu du site originel, ont déjà été mis en place.
- « Tweeter » par SMS
Twitter a mis en œuvre une procédure alternative, permettant aux utilisateurs turcs de tweeter en envoyant des SMS, évitant de fait le réseau Internet contrôlé. Sur un de ses comptes officiels, le réseau social a promu ce type de manœuvre :
Turkish users: you can send Tweets using SMS. Avea and Vodafone text START to 2444. Turkcell text START to 2555.
— Policy (@policy)
- Des applications tierces
Enfin, certains utilisateurs ont recours à des applications tierces, comme notre correspondant sur place qui a pu, en procédant de la sorte, se connecter à Twitter :
Me voici de nouveau sur #Twitter. Pour s’y connecter depuis un smart phone ou tablette téléchargez l’application Onadio. #turquie
— Guillaume Perrier (@Aufildubosphore)
Twitter et Youtube sont loin d’être des cas isolés. Selon le site turc Engelli Web, qui répertorie les sites bloqués par les autorités, ils seraient plus de 40 000 dans ce cas. Dans son dernier rapport sur les libertés numériques, l’ONG Reporters sans frontières notait que les dernières évolutions législatives en Turquie faisaient des « fournisseurs d’accès des instruments de censure et de surveillance, les forçant à rejoindre une nouvelle organisation qui centralise les demandes de blocage et de suppression de contenus ».
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