[Claire Guénaud – Le Monde des Livres – 23/01/2012]
N’exerce pas qui veut son mandat de président pendant une récession mondiale ! Que de fois depuis 2008 n’a-t-on entendu vanter, dans les cercles proches dupouvoir, les qualités de vaillant capitaine dans la tempête de Nicolas Sarkozy ! Et que de fois n’a-t-on vu la majorité expliquer les difficultés du pays par les turbulences de 2008-2009 et leurs prolongements actuels ! Le premier mérite du livre de Mélanie Delattre et Emmanuel Lévy, Un quinquennat à 500 milliards, est defaire le tri entre ce qui relève d’une très fâcheuse conjoncture et ce qui est dû aux errements, aux contradictions, voire aux erreurs d’une politique définie au plus haut niveau de l’Etat. En somme, de rendre à César ce qui lui appartient.
La crise, trop souvent, a eu bon dos. Sur les 630 milliards d’euros de dette nouvelle contractée par la France entre 2007 et 2012, 110 milliards seulement sont imputables à la détérioration de la conjoncture. Nicolas Sarkozy, écrivent-ils, « est comptable du reste », parce qu' »il n’a pas réduit l’énorme déficit structurel dont il a hérité lors de son accession au pouvoir » et parce qu' »il a mené la totalité de ses réformes à crédit ». A partir de ce diagnostic, solidement étayé par des chiffres officiels de la Cour des comptes, des commissions des finances des deux Assemblées ou de Bercy, les auteurs, journalistes économiques au Point et àMarianne, dressent avec bonheur ce qu’ils appellent « le vrai bilan de Sarkozy ».
Tout y passe : le président des riches, le péché originel du paquet fiscal de l’été 2007, la fameuse loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA), le « Poulidor » du pouvoir d’achat, « le maquis des Sarko-niches et des Sarko-taxes », la « schizophrénie budgétaire » de l’exécutif. Au fil des pages, le portrait esquissé au chapitre II d’un Sarkozy en « Janus de l’économie » se précise et s’affine.
D’un déplacement à l’autre, d’une affirmation péremptoire à une autre, qui contredit la première, le président apparaît tel qu’en lui-même : libéral et interventionniste, néo-keynésien en 2009 et adepte de la politique de l’offre et de la TVA sociale en janvier 2012, incapable jusqu’au bout de trancher entre l’orthodoxie d’un Xavier Musca et les fulgurances d’un Henri Guaino. Action Man dans la crise, sans doute, mais aussi digne héritier de Jacques Chirac pour le pragmatisme qui lui tient lieu de doctrine…
« Relations incestueuses »
Dans l’histoire de ces cinq années, relatée avec minutie, il y a des épisodes peu glorieux comme l’affaire Woerth-Bettencourt. Les auteurs s’attardent judicieusement sur d’autres, moins connus. Dans leur savoureux chapitre sur « Les cadeaux aux amis », ils reviennent, entre autres, sur les conditions particulièrement peu édifiantes dans lesquelles a été préparée la libéralisation des paris en ligne, et sur « les relations incestueuses » entre le pouvoir et le business certes « pas nouvelles », mais ô combien manifestes au cours d’un quinquennat commencé au Fouquet’s et sur le yacht de Vincent Bolloré. Sur d’autres sujets plus austères, comme la fiscalité ou le budget, les passages drôles et justes abondent aussi.
On l’aura compris : Un quinquennat à 500 milliards mérite d’être lu. Le seul reproche que l’on puisse adresser aux auteurs est que, tout à leur entreprise réussie de rétablissement de la vérité sur le coût de la crise, ils en sous-estiment probablement la gravité et l’impact sur le président et son entourage. Un bref rappel de l’état dans lequel se trouvent les pays de la zone euro n’aurait pas nui à leur thèse. Bien au contraire.
UN QUINQUENNAT À 500 MILLIARDS de Mélanie Delattre et Emmanuel Lévy. Mille et une nuits, 378 pages, 19 €.
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