[Claude Weill – Directeur délégue de la rédaction – Nouvel Observateur – 19/02/2010]
Pour Claude Weill, la polémique lancée par le ministre de l’Agriculture n’est qu’un énième relent du débat sur l’identité nationale, où la désignation d’un « péril communautariste » cache un « prétendu péril arabo musulman ».
Viande Halal chez Quick : « Le venin »
Il est de bon ton de dire que le débat sur l’identité nationale a fait pschitt. Malheureusement, je ne le crois pas. Le mal est fait. Ce vaste défoulement collectif organisé sous l’égide du ministère de l’Immigration a produit son venin, qui ne cesse de diffuser au sein de la société française. Toutes sortes de préjugés malsains, d’idées nauséabondes, de réflexes xénophobes qui jusqu’alors n’osaient pas s’afficher ouvertement (sauf dans la bouche de celui qui se vantait justement de « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas ») ont désormais droit de cité. Les tabous sont tombés. Les esprits se débondent. Les remugles remontent à la surface. Et ça pue !
Etait-ce le but recherché par les instigateurs du douteux débat sur l’identité ? C’est en tout cas le résultat.
En l‘espace de quelques semaines, nous avons eu droit successivement à l’importation en France du débat helvéto-helvétique, inspiré par l’extrême-droite suisse, sur la construction des minarets. Puis au grand psy-show national sur la « burqa » (mot choisi à dessein pour épouvanter les bonnes gens : la burqa, voile intégral grillagé d’origine afghane est à ma connaissance à peu près inconnu en France). Ensuite à un magnifique emballement politico-médiatique autour de la candidate NPA du Vaucluse, accompagné d’une ahurissante plainte en justice ( !) – comme si quelque texte que ce soit, dans l’abondante législation française, pouvait permettre de déchoir de ses droits de citoyenne une femme dont le seul délit est de couvrir ses cheveux d’un voile (en réalité, un foulard noué sur la nuque comme en portaient les femmes de la campagne dans mon enfance).
Et aujourd’hui, c’est le ponpon, voila que le ministre de l’agriculture dénonce – au nom des principes de la République, bien sûr ! – la décision de la chaîne Quick de retirer la viande de porc de quelques établissements. Comme s’il n’existait pas déjà des centaines de restaurants et d’épiceries halal ou casher. Comme si on ne trouvait pas des petits oratoires dans une foultitude de restos chinois ou indiens.
Comme si la plupart des cantines de France ne servaient pas du poisson le vendredi, en souvenir de la mort du Christ.
En réalité, ce à quoi on assiste, sous couvert de défense de la République et de lutte contre le « péril communautariste » (nom de code pour désigner exclusivement le prétendu péril arabo-musulman, car le communautarisme chinois ou juif, tout le monde s’en fout, il est tout à fait accepté et même, à l’occasion, célébré), c’est tout simplement à la mise au ban de l’Islam de France.
Et ce qui révulse le républicain laïc que je suis, c’est que cette sale besogne s’accomplit sous l’invocation des plus nobles idéaux. Ah, les Tartufes de la République ! Quelle surprise de voir certains leaders de la majorité jouer les hérauts de la laïcité pure et dure – souvent les mêmes qui mirent le peuple de droite dans la rue, en 1984, pour défendre l’enseignement confessionnel privé. Quel étonnement de les voir convertis en champions de la cause des femmes – eux qu’on n’a jamais connus très allants pour combattre les discriminations sexistes ou les violences faites aux femmes.
Pas besoin d’avoir l’ouïe très fine pour entendre ce qui se cache sous tous ces grands mots : l’invocation des principes républicains n’est bien souvent que l’alibi de l’islamophobie. Et l’islamophobie, parfois, le camouflage sémantique d’un pur et simple racisme qui n’ose pas – pas encore ? – s’avouer.
Ainsi que l’écrivait récemment mon maître et ami le professeur Alfred Grosser, amusez vous à remplacer « musulman » par « juif » dans tout ce qui se dit et s’écrit aujourd’hui sur l’Islam, et vous verrez quel effet cela produit…
20 février 2010 at 3:52
Les religions, je m’en fiche, je suis comme mon maitre Cavanna une athée de grand chemin, malheureusement depuis quelques années, on est OBLIGES d’en bouffer presque tous les jours, et moi, ça me gave grave (comme le dise les djeuns) je suis souvent en accord avec les propos de Claude Weil, mais je partage à 100% la phrase du Professeur Alfred Grosser, que n’aurait on entendu si on avait écrit le mot »juif »………….je n’ose meme pas y penser!!!!!je crie haut et fort : »au secours Coluche, Desproges » revenez vite !!!!!!!!!
20 février 2010 at 11:24
Communautaristes les Juifs? peut être. Mais ils n’essaient pas d’implanter leur religion dans le P.I.F.des français. (paysage intellectuel français)- Pas plus que les chinois d’ailleurs.
Les enfants juifs que je connais, à la cantine de l’école, ne mangent pas de viande, remplacent par du poisson, ou du fromage. On apprend aux enfants à remplacer une nourriture par une autre.
Et je signale à Mr Weil que la France est de tradition chrétienne, que par conséquent, elle en a conservé certaines manies qu’elle a inclus dans sa culture laïque.
Je signale aussi à Monsieur Weil que lorsque mon père est venu de Pologne, il était certain d’atterrir dans un pays de tradition chrétienne et non pas de tradition musulmane. Et moi, sa fille, je souhaite qu’il en soit ainsi.
Excusez moi, Mr Weil, mais l’islam n’est pas le meilleur ami de la femme, ni de la liberté de penser, cela se saurait. Ou alors expliquer moi pourquoi des milliers d’individus bravent les intempéries pour se réfugier en Europe, et pas toujours pour avoir du travail. Les réfugiés politiques sont nombreux, si j’en crois les O.N.G.
« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. »
20 février 2010 at 11:30
Je voulais aussi vous dire, Mr Weil, que ma mère, bonne juive pourtant, nous faisait avaler du poisson chaque vendredi, parce que les chrétiens en consommaient spécialement ce jour la, et que par conséquent il était frais.
A part ça, je ne vois pas en quoi cela vous dérange si un resto sert du hallal et du non hallal dans un même lieu?
exigeons nous, rue des Rosiers à Paris, que les restaurants ne servent que du cachère? nous devrions, pour voir vos réactions indignées à notre présumé communautarisme.
21 février 2010 at 9:17
Les « béniouiouisemeursdehaine » sont de mode aujourd’hui. Ils se distinguent par leur silence assourdissant lorsqu’il s’agit de causes véritablement justes et par leurs hauts cris lorsqu’ils doivent paraphraser et porter à bout de bras, de parole et de plume les discours xénophobes de leurs maîtres, ces gens sensés qui décident souvent du sort des masses. Ils ne sont que « des hauts parleurs, des caisses à résonance » de leurs opinions et préjugés malsains avec des discours de haine à peine voilée, de racisme en chaîne. Avec ces gens là la paix sociale est bien loin encore ! La peur de l’autre,ce musulman qui serait une menace terrible pour la république est un feu qu’ils entretiennent chaque jour par des questions de voile, de minaret, de banlieues islamisées, d’imam menacé soi disant de mort, de viande halal indigeste et que sais-je encore ? Pour moins que cela, le moyen en âge est parti en croisade…
Je salue Claude Weill pour sa lucidité et pour son courage. Il nous ouvre les yeux sur les manipulations de ces pseudo défenseurs des valeurs républicaines qu’il a mis à nue. Ce sont eux en vérité les véritables dangers pour ces mêmes valeurs.
22 février 2010 at 4:31
Choquant et révélateur de voir que tant de commentateurs, ici encore, trouvent normal, voire approuve l’islamophobie ambiante…
@ Nissaba ; C’est un peu gros de rappeler ses « origines étrangères » pour tapper sur les nouveaux venus (français, eux aussi…), Besson, Dati, et Sarko font de même…
Et inutile de ramène encore ce même prétexte nauséabond d’un Islam qui serait contre la femme parce que c’est usé… De même, prétendre que c’est l’Islam qui fait fuir les gens de leurs pays et non la misère, les dictatures ou des guerres, c’est un peu gros, non ?
Pour rappel, dans les années 30 en Allemagne, aussi, la chasse aux juifs semblait légitime… Et si on brulait du juif c’était par ce qu’on était certain qu’ils n’étaient que des parasites et que leur religion était un danger. Pour mémoire…
22 février 2010 at 10:39
Etre Chrétien est devenu une posture politique!!
La baptisée catholique que je suis se réveille et je ne supporte plus que l’on me fasse participer contre ma volonté à la curée anti musulmane…
Les catholiques se taisent…. ce n’est pas la première fois…! Ponce Pilate éternels ? si c’était Jésus Christ leur « maître », ils ne laisseraient pas l’innomable se développer ainsi en leur nom !!! … A moins que… ce soit leur choix. L’agonie de Christ sur la croix reprend tout son sens…