Le véritable objectif de Tarnac n’était pas de se faire mousser auprès du bon peuple « tremblez braves gens, on va vous défendre contre le vilain anarchiste »… le véritable objectif était d’envoyer un message au mouvement social, aux possibles dissidents de tout poil en ces temps de crise:

<<on peut vous faire chier, on peut vous foutre en l’air vos vies, vous prendre vos enfants, vous jeter en prison longtemps alors que vous n’avez rien fait… et tout cela on peut le faire impunément. Alors réfléchissez-y à deux fois avant d’aller manifester ou formuler une opinion dissidente.>>

A Tarnac et ailleurs, le message à été reçu 5/5. Merci Alain Bauer !

Tarnac : la défense dénonce « un scandale d’Etat »
[Isabelle Mandraud et Caroline Monnot – LE MONDE | 26.11.09]
Changement de ton, changement de stratégie, changement d’avocats. Un an après l’interpellation et la mise en examen de neuf personnes dans l’affaire des sabotages de voies SNCF, leurs conseils ont décidé à leur tour de se muer en accusateurs. Et de cogner fort. « On est au-delà du fiasco judiciaire, on est dans le scandale d’Etat », a lancé, mercredi 25 novembre, Me William Bourdon.Les neuf de Tarnac ont voulu et ont joué un rôle actif dans cette stratégie plus agressive. Les avocats se sont ainsi relayés lors d’une conférence de presse, dans les locaux de l’Assemblée nationale, en présence de plusieurs élus de gauche dont le Vert Noël Mamère et les socialistes François Hollande et André Vallini. « Le gouvernement a pris la responsabilité d’ordonner des enquêtes en incitant les policiers et les juges à se montrer peu scrupuleux afin de donner consistance à quelque chose qui n’existe pas », a affirmé Me Thierry Lévy. « Les policiers ont inventé, c’est le fruit de leur imagination « , a renchéri son confrère Jérémie Assous.

L’accusation n’est pas mince. « On est dans la présomption très sérieuse de falsification de preuves », a asséné Me« opération qui disqualifie et déshonore gravement la démocratie française« . Les avocats qui réclament dans la foulée un « non-lieu rapide », ont adressé coup sur coup deux notes au juge du pôle antiterroriste Thierry Fragnoli. Dans la première, datée du 29 octobre, ils dénoncent des « incohérences » et des « anomalies » Bourdon, en décrivant une contenues, selon eux, dans le procès-verbal D104 établi par la police de lutte antiterrorisme (SDAT). Ce procès-verbal est relatif à la filature du couple Julien Coupat, Yildune Lévy dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 au cours de laquelle a eu lieu un sabotage sur une caténaire de la ligne TGV Est. Dans la seconde note, du 25 novembre, les avocats réclament l’audition, en leur présence, du témoin sous X…, dont ils estiment que les déclarations fondent, pour l’essentiel, l’incrimination terroriste.

Mercredi, à l’Assemblée, ils ont brocardé le juge d’instruction en dénonçant, son « comportement très inhabituel ». « C’est quelqu’un enfermé dans son bunker, qui refuse tout contact physique et tout dialogue », a affirmé Me Lévy.

Le témoin sous X a-t-il été manipulé ?

L’identité de ce témoin a été rendue publique malgré lui, notamment par les médias. Il s’agit de Jean-Hugues Bourgeois, 30 ans, le chevrier du Teilhet (Puy-de-Dôme) aujourd’hui installé en Loire-Atlantique. Cet éleveur bio avait fait irruption dans l’actualité au printemps 2008 après que dix de ses chèvres avaient été tuées et sa grange incendiée. Il affirmait à l’époque être le destinataire de courriers de menaces de mort. Depuis, il a été mis en examen après qu’une expertise graphologique, contestée par son avocat Jean-Louis Borie, l’a désigné comme l’auteur de ces lettres.

Depuis des semaines, son nom avait commencé à circuler comme le probable témoin sous X… dans l’affaire Tarnac. Le 11 novembre, lorsque TF1 l’interroge en caméra cachée, le visage flouté il dit avoir signé un procès-verbal dont il n’a pas maîtrisé le contenu.

La gendarmerie, qui l’a reçu la première à Riom, certifie que ce témoin s’était présenté « spontanément ». C’est « du spontané qui n’en est pas, rétorque son avocat, Me Borie. Jean-Hugues Bourgeois était sous écoute comme victime dans l’affaire du Teilhet, et ses liens avec Tarnac étaient connus. Il était dans une situation de grande fragilité » Sans être un familier de Julien Coupat et des habitués de Tarnac, à l’exception de l’un d’entre eux, il a fréquenté plusieurs rendez-vous altermondialistes, se situant dans la gauche alternative.

Le dossier judiciaire contient une deuxième déposition de l’agriculteur, sous son nom. S’agissait-il, alors, pour la police, de le protéger en le faisant déposer une seconde fois sous son nom ?

La filature du couple Coupat-Lévy a-t-elle été entachée d’irrégularités ?

Les avocats contestent désormais point par point le minutage de la filature du véhicule dans lequel se trouvaient Julien Coupat et Yildune Lévy à partir de 3 h 50, le 8 novembre, nuit du sabotage Ils relèvent que les traces de pneumatiques et de semelles analysées par la gendarmerie sur place ne sont pas celles de leurs clients ; ils s’interrogent sur le fait que les policiers n’ont rien vu du sabotage lui-même, ce qu’ils jugent impossible étant donné la configuration de la voie ferrée à Dhuisy. « Ni les suivis, ni les suiveurs n’étaient présents sur les lieux », avance Me Assous.

La police admet qu’il y a peut-être eu « des erreurs techniques » dans le relevé horaire du procès-verbal de filature et continue d’attester de la présence du couple au kilomètre 45, lieu du sabotage. « Notre bonne foi ne peut pas être mise en cause, s’offusque un responsable. Si on avait voulu tricher, on aurait dit qu’on les avait vus saboter, ce qui n’est pas le cas ».

 

Les dépositions très contradictoires d’un agriculteur, ex-témoin sous X…
[LE MONDE | 26.11.09 ]

En l’espace de deux mois, Jean-Hugues Bourgeois a été entendu à deux reprises par les policiers de la sous-direction de la lutte antiterroriste (SDAT), la première fois en tant que témoin sous X…, la seconde sous son identité. Et les deux versions n’ont rien à voir.

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Cet agriculteur de 30 ans, qui résidait alors dans le Puy-de-Dôme, à environ deux heures de route de Tarnac en Corrèze, se serait présenté spontanément à la gendarmerie de Riom. Son premier témoignage est recueilli le 14 novembre 2008 à 9 heures, selon le procès-verbal (PV) établi par la police, soit trois jours après l’interpellation des neuf personnes mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. La veille, le juge des libertés et de la détention a donné son autorisation pour lui accorder le statut protecteur de témoin sous X…, qui devient dans le dossier le « témoin 42 ». Il livre alors ses impressions sur Julien Coupat et un « groupe constitué » autour de lui, mais ne dit pas un mot sur les sabotages des lignes SNCF qui leur sont reprochés

« Fantasme collectif »

A propos de Julien Coupat, dépeint comme le « leader charismatique et l’idéologue (qui) tient l’ensemble des membres sous son charme à la façon d’un gourou de secte », il déclare : « A plusieurs reprises, lors de réunions avant 2007, il exprimait le fait que, même si le moment n’était pas encore venu, il pourrait être un jour envisagé d’avoir à tuer car la vie humaine a une valeur inférieure au combat politique ». Selon ce PV, coté D43, les policiers présentent un « album photos » qu’il commente désignant ici un « responsable de la branche des relations sociales » (Benjamin Rousoux, mis en examen), là un « responsable de la branche armée » (Raphaël M., non mis en examen), tout en ajoutant qu’il « croit que cela relève d’un fantasme collectif « . Tout change le 11 décembre 2008, lors de sa deuxième audition à 14 h 30, cette fois sous son identité, dans les locaux de la police judiciaire de Clermont-Ferrand. Là, il parle de Raphaël M. comme d’un ami et d’une communauté répondant « avant tout à un projet de vie en commun se développant sur des activités agricoles, artisanales, commerciales ». « Je les conseillais notamment pour leur élevage de bêtes et leurs récoltes« , souligne-t-il.

Le témoin explique que son numéro de téléphone portable apparaît sur la facturation détaillée de la ferme de Tarnac, car il souhaitait « leur emprunter leur bouc pour la reproduction de (son) élevage » – bouc qu’il dit avoir été cherché « à la fin août 2008 ». Sur ce PV, il refuse de répondre à une interrogation sur le « projet politique » du groupe, car cela relève des « opinions privées de chacun ». Et à la question « les résidents de Tarnac vous ont-ils jamais fait part de projets violents ? », il répond : « Non, jamais. »

On lui présente à nouveau un album de « 38 individus » : il affirme, cette fois, n’en reconnaître que quatre. A propos de Julien Coupat, Jean-Hugues Bourgeois dit : « J’ai un peu de mal à croire qu’il est celui que les autorités présentent comme un terroriste. »

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/11/26/les-depositions-tres-contradictoires-d-un-agriculteur-ex-temoin-sous-x_1272456_3224.html#ens_id=1272079