Plein de choses dans ce film nous sont familières : à commencer par notre vision de « l’Etranger », de l’Autre, du Bougnoule, du Sans-Papier, du Pauvre, du Migrant, du Manouche…. mais aussi le paternalisme bureaucratique et l’impossibilité de percevoir les relations autrement que par la domination. Ce film laisse une sensation étrange, presque de dégoût… A voir absolument !

[Sonia Sarfati – Cyberpresse.ca – 13/08/2009]

Et si la rencontre du troisième type si souvent imaginée en littérature et au cinéma s’avérait n’être ni une confrontation ni l’occasion de formidables avancées technologiques? Ni Independance Day ni Star Trek, quoi… C’est sur cette autre avenue qu’a été bâti District 9, le surprenant film de science-fiction produit par Peter Jackson, réalisé et coscénarisé par Neill Blomkamp après que leur projet d’adaptation du jeu vidéo Halo soit tombé à l’eau.

District 9 est donc ce qu’on pourrait appeler un «projet ricochet», à petit budget en plus (30 millions). Il était difficile d’imaginer que, conçu dans de telles circonstances, il soit d’une telle qualité, en fond comme en forme.

On pense à Blair Witch Project pour la caméra à l’épaule, on pense à Cloverfield pour la campagne publicitaire «larvée», on pense aux deux pour le style pseudo-réalité, mais on ajoute une solide couche dans le propos. On n’est pas ici qu’en présence de gens qui tentent d’échapper à la mort. Il y a de cela, bien sûr. Mais il y aussi cette formidable – et percutante – métaphore sur l’Apartheid (d’autant que le réalisateur, Sud-africain, a installé ses extraterrestres à Johannesburg), et sur les camps de concentrations nazis… et, en fait, sur tous les camps de réfugiés de la planète. Un peu à la manière des films d’horreur et de science-fiction des années 60 et 70, on livre ici une réflexion politique et sociale sous des dehors de divertissement. Et, peu importe le degré de lecture avec lequel on «lit» District 9, le résultat est réussi et l’expérience, mémorable.

L’histoire? Il y a vingt ans, un vaisseau venu d’une autre galaxie s’est arrêté au-dessus de Johannesburg. À son bord, des créatures ressemblant à des crustacés humanoïdes – les humains les surnomment d’ailleurs crevettes (prawns) – qui sont doués de pensée, de langage… mais pas d’une bien grande intelligence: dans la société d’où ils viennent, ils sont un peu comme les «ouvrières» chez les abeilles ou les fourmis. Ils suivent les ordres, ne dirigent pas. Et, ainsi, acceptent d’être parqués – dans des conditions de moins en moins salubres – dans un camp, le fameux District 9 du titre.

Sauf qu’ils se multiplient, que la tension monte entre les réfugiés et la population locale. La situation, que surveillent le Multi-National United et son armée privée, devient explosive. Les extra-terrestres doivent être relocalisés et, pour cela, un fonctionnaire est envoyé leur distribuer les avis d’expulsion.

Émergent ainsi, à travers des pseudo-reportages et des interviews de «spécialistes», le personnage de Wikus van der Merwe (Sharlto Copley, dont la métamorphose de petit homme insignifiant à homme traqué prêt à tout est du plus haut crédible) et d’un extraterrestre qui se fait appeler Christopher Jones (Jason Cope assisté de prothèses et effets numériques, qui parvient à faire passer de l’émotion à travers pinces et tentacules).

On se retrouve alors dans un mélange de suspense, de science-fiction et d’horreur. Il y a de l’adrénaline et du gore. Et il y a de la terreur. Pour ce que l’on voit. Et parce que le miroir que Neill Blomkamp nous tend n’est pas si déformant que ça.

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