[Les Sans Culottes – mercredi 2 avril 2008]
On nous a déjà fait le coup avec le nucléaire en 1973, lors du premier choc pétrolier. Plus de trente ans après, pouvoirs en place et lobbies agro-industriels nous servent un autre miracle d’indépendance énergétique et économique : les biocarburants. L’or vert comme solution de substitution à l’or noir. Parlons plutôt de nécrocarburants tellement leurs effets sur la planète et l’humanité sont néfastes…
L’anecdote est savoureuse. Et tellement révélatrice. Elle se déroule le 12 avril 2007 à l’université de Georgetown, Californie (1). Ce jour-là, le gouverneur Arnold Schwarzenegger déclare la guerre au réchauffement climatique en prônant l’utilisation massive des biocarburants.
Moyen s’il en est de ne surtout pas remettre en cause le mode de développement des USA. Notre mode de développement à nous, habitants de l’hémisphère Nord, gaz-pilleurs du Sud de la planète. « Nous n’avons pas à nous débarrasser des 4×4 ou de quoi que ce soit de ce genre, insiste cette sorte de Sarkozy bodybuildé d’outre Atlantique, parce que cette voie est celle de l’échec. Nous devons au contraire rendre ces voitures plus « musclées » sur le plan environnemental. »
Choisir entre l’assiette du pauvre ou le réservoir du riche, voici donc l’alternative réelle des biocarburants. Une agriculture qui, comme Schwarzie, n’a cessé de faire du culturisme lors des dernières décennies. A coup de subventions, de lobbying des agro-industriels, d’ignorance ou de collusion des politiques… « L’agriculture ne sert plus à nourrir les populations, mais à produire des devises »,prophétisait Robert Linhart dans son bouquin, Le sucre et la faim, enquête dans les régions sucrières du nord-Est brésilien, paru en 1980. Le Brésil où la folie de l’éthanol a multiplié par deux le prix de la terre en cinq ans. Provoquant ainsi la disparition des petits paysans.
Des paysans qui, dans l’ensemble, voient dans les agrocarburants une solution à la dégringolade du marché des céréales. Une rationalisation de leurs milliers d’hectares acquis à coup de remembrement et de mécanisation à outrance. D’autres ont d’abord raisonné en termes de dépenses énergétiques, avant de dénicher les nombreux pièges d’une telle monoculture.
Comme les exploitants vendéens du Groupe de réflexion pour une agriculture durable dans l’économie locale (Gradel) qui ont compris que le bilan énergétique des biocarburants était plus intéressant en circuit court. « A notre niveau, expliquent Dominique Saunier et Michel Boudaud, nous avons constaté une véritable autonomie en termes de production et d’énergie ainsi qu’une plus grande disponibilité de nos terres. » Ainsi, sur les 104 hectares que compte le Gaec des Gazons, co-géré par Dominique Saunier, quinze sont dévolus aux céréales, dont quatre pour le tournesol.« Le reste est constitué à 80% de prairies pour nos vaches laitières. »
Une « Opep Verte », véritable bouleversement géopolitique :
Un exemple qui va à l’encontre de la stratégie nationale pour la biodiversité défendue le 23 novembre 2005 par Nelly Olin, alors ministre de l’Ecologie du gouvernement Villepin. Cette stratégie vise à stopper en 2010 la perte de la biodiversité, en priorité dans le domaine agricole… Tout en prônant une accélération de la culture des agrocarburants.
Ainsi, en 2006, sur les 13 millions d’hectares cultivés chaque année en France, 750 000 étaient consacrés aux « cultures énergétiques ». Pour 2010, c’est-à-dire demain, « la France devra compter entre 1,5 et 2 millions d’ha de terres agricoles dédiées aux biocarburants ». Une course à l’or vert qui ressemble fort à une course à mort de la biodiversité.
« Entre 1985 et 2000, le développement des plantations de palmiers à huile a été responsable de 87% de la déforestation en Malaisie », écrit encore Fabrice Nicolino. Idem pour l’Indonésie qui grignote son patrimoine tropicale à raison de 300 terrains de football à l’heure ! Avec pour résultat d’être devenu le 3e plus gros émetteur de gaz à effet de serre au monde, derrière les Etats-Unis et la Chine. Et que dire de l’Argentine, de l’Uruguay ou maintenant du Cameroun et du Sénégal qui ont décidé de suivre l’exemple brésilien. Exemple qui, du coup, est cessé apaiser le débat sur les OGM avec ce nouveau credo : « Les sojas et autres oléagineux transgéniques, pas dans notre assiette, mais dans nos réservoirs. »
Une philosophie dont certains s’inspirent pour émettre l’idée de création d’une « Opep Verte » – à la manière des pays moyen-orientaux en leur temps -véritable bouleversement géopolitique qui rassemblerait les pays producteurs du Sud livrant du carburant prétendument écologique au Nord, alors que ces pays producteurs n’arrivent même pas à nourrir convenablement leurs populations.
Car si nos réservoirs d’Occidentaux inconscients ont soif, « la faim dans le monde gagne du terrain », notait, le 30 octobre 2006, Jacques Diouf, directeur général de la FAO. « Il est certain, poursuivait ce dernier, qu’un grand nombre d’humain est déjà mort de faim pour que soient remplis nos réservoirs d’automobiles. » Un grand nombre d’humain ? Doux euphémisme… Alors qu’en 2006, le nombre d’affamés augmentait de 4 millions, la production mondiale céréalière, elle, faisait un bon de + 4,8%. « Nous ne résoudrons pas nos problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrées », disait Albert Einstein. Une question de vision à court ou long terme. Comme toujours.
(1) In La faim, la bagnole, le blé et nous, une dénonciation des biocarburants, de Fabrice Nicolino, Fayard, septembre 2007, 17 euros.
http://www.lesansculotte85.com/publication/spip.php?article178
21 avril 2008 at 1:49
Par deux fois, j’ai évoqué sur mon blog la catastrophe humanitaire instituée par les bio carburants.
http://bluebeetleone.blogspot.com/2008/04/voiture-electrique-avenir-de-l.html
et
http://bluebeetleone.blogspot.com/2008/03/250-000-nano-par-une-catastrophe.html
En parlant de ce sujet autour de moi, j’ai pu constaté – en France – à quel point peu de gens ont conscience de ce problème.
On a tellement vu de reportages tv vantant les mérites de ces bio carburants que tout le monde s’est convaincu que c’était la solution au problème de la hausse du pétrole.
J’espère que d’ici 2 à 3 ans on verra déferler une vague de voitures électriques sur le marché automobile.
@+
B.