[Grégoire Seither – IES News Service – 20/12/2007]
« SUNDOWN TOWNS », l’ouvrage de James W. Loewen (Touchstone, 2007) aborde un pan totalement méconnu de l’histoire des Etats-unis, les « villes de la tombée de la nuit », ces communes qui avaient voté des lois interdisant la présence de personnes « non blanches » à l’intérieur des limites de la ville après le coucher du soleil.
Les Noirs, les Latinos, les Asiatiques, les Arabes… pouvaient venir en ville pour y travailler, mais étaient lourdement punis (voire pire) s’ils s’y faisaient interpeller la nuit. Ce phénomène ne se limitait pas aux petites villes du Sud raciste et arriéré, il couvrait tous les Etats-unis. Et il a perduré ouvertement jusqu’au début des années 1970 !
Une « sundown town » est une juridiction organisée qui, pendant près d’un siècle, depuis la fin de la Guerre de Sécession, a interdit aux Noirs ou aux personnes « Non-Blanches » de résider à l’intérieur de ses limites. C’était une ville volontairement « 100% Blanche »… même si, pour des raisons pratiques, on tolérait des exceptions, généralement sous forme de bidonvilles ou de ghettos, en périphérie de la ville. Mais les patrouilles de police et les « neighborhood watch » s’assuraient que les bronzés restaient dans leurs quartiers une fois la nuit tombée.
La loi U.S. donnant une grande autonomie aux communes, il y eut des « sundown towns » dans tous les Etats-unis, allant du village de De Land, dans l’Illinois (population 500) à des grandes villes commme Appleton dans le Wisconsin (57,000 habitants en 1970). Parfois, des districts ou comtés entiers devenaient « sundown », généralement quand le chef-lieu décidait de le devenir. Très souvent, quand les villes devenaient « sundown », elles étaient rapidement rejoint par les « sundown suburbs, » les faubourgs et communes périphériques, augmentant encore la « zone d’interdiction » – ainsi Levittown, sur Long Island, était une commune « sundown » de 82 000 habitants tandis que Livonia dans le Michigan ou bien Parma dans l’Ohio, comptaient plus de 100 000 habitants. La commune de Warren, un faubourg de Detroit, avait une population de 180 000 habitants, parmi lesquels seulement 28 familles appartenaient à une minorité non-blanche, la majorité de ces familles vivant sur une base militaire U.S.
La plupart des personnes aux Etats-unis ignorent totalement l’existence de ces communes ou districts. Ou alors ils pensent que c’est un phénomène local, un particularisme du Vieux Sud profond… Ironiquement, le « Vieux Sud » ne comptait presque pas de « sundown towns ». Ainsi le Mississippi, dont le gouverneur s’était enorgueilli, lors de la venue de Martin Luther King, qu’il était « l’Etat le plus raciste de l’Union », et bien cet état ne comptait que 6 villages ayant interdit la résidence aux Noirs. En comparaison, l’Illinois « moderne », comptait pas moins de 456 communes que les « non-blancs » devaient avoir quitté avant le coucher du soleil. . .
Le phénomène « sundown » (qui perdure de manière souterraine à ce jour) n’est pas une petite particularité folklorique. Il joue un rôle non négligeable dans la mobilité professionnelle et sociale des membres de la communauté Noire, Asiatique ou Latino. Une étude menée par l’Université de Berkely montre que jusqu’à aujourd’hui, les membres de la communauté Noire se transmettent un savoir diffus à propos de ces « zones interdites » et notamment les « trucs » pour identifier ces communes et les éviter lors des déplacement ou bien dans la recherche d’emploi.
Ainsi, en Floride, par exemple, il était admis que toute ville ou commune ayant le mot « Palm » dans son nom avait de fortes chances de ne pas voir d’un bon oeil l’installation de Noirs sur son territoire. Dans l’Indiana, la règle voulait que les communes ayant une couleur dans leur nom (comme Brownsburg, Brownstown, Brown County, Greenfield, Greenwood, ou Vermillion County) soient « sundown ». Et en effet, toutes ces communes avaient voté une loi d’exclusion des non-blancs.
Aux Etats-Unis, le mouvement des villes « sundown » n’a commencé à décliner que vers 1968 – il y eut même une recrudescence en 1970, à la suite des émeutes dans les ghettos noirs. Mais si aujourd’hui les lois fédérales « cassent » les décisions ouvertement racistes des municipalités, le mouvement « sundown » n’a pas disparu pour autant. Il est simplement devenu plus souterrain et clandestin.
En 2001, lors de son enquête, James Loewen s’est entendu dire par les habitants de la ville de Anna dans l’Illinois, que le nom de leur ville était l’abréviation de « Ain’t No Niggers Allowed » (On veut pas de Négros chez nous)…
L’apartheid urbain existe toujours et s’est même renforcé.
Le livre est disponible sur amazon :
http://www.amazon.com/exec/obidos/ISBN=0743294483/progressiverevieA/
18 janvier 2008 at 1:30
[…] La législation raciste des sundown towns américaines – […]